Dans le massif du Forez, comment les stations de ski ont profité du récent manteau neigeux

Pied de nez ou aubaine ? Alors que la cloche sonnait la rentrée des classes, la neige a recouvert les sommets du Forez. À la station du col de la Loge dans la Loire, les pistes de ski nordique ont ouvert dans la foulée, lundi 4 mars. A Prabouré, les conditions climatiques ont été plus défavorables.

"On prépare la station des mois en amont mais après il faut qu’il neige." L’or blanc, Patrick Marchand, en charge de la station nordique du col de Loge dans la Loire et les dix autres saisonniers à temps plein sur le site, l’ont longtemps attendu durant les vacances d’hiver sans que rien ne vienne. Et puis, comme un pied de nez aux professionnels et aux vacanciers de la zone A (région Aura entre autres), le manteau blanc a bien recouvert les sommets du Forez, dimanche 3 mars, dans la journée alors que la rentrée des classes sonnait le lendemain.

30 cm de neige très fine

Pas en abondance certes, mais "30 cm de neige très fine", et suffisamment pour que la machine se mette en marche après un très gros épisode de disette : cinq jours d’ouverture de station en décembre et onze en janvier. "J’ai effectué un prédamage dimanche soir pour faire un fond plat en tassant la neige. Éviter qu’elle ne s’envole avec le vent la nuit", détaille Patrick, de nouveau sur sa machine, lundi matin, à 3 h 30 pour terminer le damage des cinq pistes ouvertes sur les six que compte le site du Haut-Forez géré par Loire Forez Agglo (LFA). "La dernière piste se situe sur le plateau, elle est exposée au vent, il y a peu de neige."

Fraîchement damée, lundi matin, la station allait-elle rencontrer son public en ce tout début de semaine ? Venu de Saint-Laurent-Rochefort dans le Loire, un jeune skieur ligérien profite de l’aubaine et termine sa boucle avant de déchausser. "J’ai vu les bonnes conditions sur la webcam et je suis venu profiter de la neige en ski de fond même si je suis plus habitué à l’alpin. Ça faisait longtemps qu’on l’attendait. Sur le parcours, la neige est bonne et j’ai croisé du monde", détaille le jeune homme.

"Aujourd’hui, lundi, nous avons enregistré 70 entrées à la journée sans compter les pass annuels, une trentaine", relate, tout sourire, Patrick Marchand, même si les chiffres sont encore loin des ceux enregistrés lors de journées "normales".

Entre 500 et 800 de visiteurs par jour car d’année en année, la station est de plus en plus connue, soutient le professionnel. Il faut deux ou trois jours pour relancer la station, le temps que la communication via internet et les réseaux sociaux fassent leur effet.

Au centre des investissements

Deux, trois jours ? L’enneigement tiendra-t-il jusque-là ? À cette question le salarié fait la grimace au vu des prévisions annonçant des températures bien au-dessus de négatives, en milieu de semaine.

Un coup pour "presque" rien ? Ou tout ça pour ça ? À moins de conditions météorologiques favorables à un nouvel enneigement, d’ici fin mars, la saison 2023-2024, restera comme une année "blanche" pour la station qui ne comptabilisera en tout et pour tout qu’une une vingtaine de journées d’ouverture seulement. Moins bien encore que l’année précédente où les skieurs n’avaient pu accéder aux pistes que 31 jours cumulés et surtout très loin derrière l’hiver 2020-2021 où la petite station avait été prise d’assaut. Les étoiles de neige étaient alors alignées : flocons en abondance et règles sanitaires interdisant notamment l’accès aux stations de ski alpin pour les vacanciers. Le col de la Loge avait alors vendu 19.000 forfaits (journée et saison).

La photographie de ces longues files d’attente devant le chalet de location trône aujourd’hui dans les locaux techniques d’un site forézien complètement remodelé depuis l’inauguration d’un tout nouveau bâtiment, fin 2022 qui aura coûté plus d’un million d’euros.

Loin de la petite station restée confidentielle pendant des dizaines d’années, le col de la Loge est aujourd’hui au centre des investissements des collectivités ligériennes (Loire Forez Agglo et le Département de la Loire) qui souhaitent en faire une vitrine en matière de tourisme. Avec de la neige ou non. "Nous développons les activités quatre saisons, et en hiver, il s’agit de travailler sur la réversibilité de l’offre, c’est-à-dire proposer autre chose que le ski, la luge ou les raquettes quand il n’y a pas de neige. Par exemple, les randonnées ou la découverte du territoire. Quant à l’activité du ski, la question ne se pose pas. Chaque fois qu’il y aura de la neige, une organisation se mettra en place pour proposer cette offre aux skieurs. Elle ne sera jamais remise en cause", soutien Robert Regeffe, vice-président au tourisme à LFA.

De quoi rassurer les fondeurs qui ont montré, comme ce lundi matin, qu’ils étaient prêts à rouler des kilomètres pour profiter de la moindre petite fenêtre ouverte.

Et à Prabouré...

Plus au sud du massif forézien, la station de Prabouré près de Saint-Anthème n‘a pas profité de son côté de la fenêtre météorologique. "Pas assez de neige, et le sol était humide et pas gelé. Avec les températures annoncées par la suite, la neige aurait été grignotée par le dessus avec le soleil et par dessous avec le sol", détaille François Philibert aux commandes de la Société d’économie mixte locale (SEML) qui gère la petite station forézienne.

Alors que le col de la Loge pour le nordique et Chalmazel pour le ski alpin ont rouvert leurs structures dès lundi 4 mars, les remontées mécaniques sont restées silencieuses sur le site de Prabouré.

Aux Supeyres, à quelques encablures, les conditions étaient également défavorables le même jour pour une réouverture du site nordique de ski de fond géré lui aussi par la SEML dans le cadre d’une délégation de service public sur trois années. Quelques pistes de nordique ont toutefois pu ouvrir, mercredi 6 mars.

Pour François Philibert et son équipe de cinq équivalents temps plein, une reprise d’activité en ce début mars aurait tout au plus terminé la saison hivernale sur une bonne note. "Les enjeux n’étaient pas énormes", admet le gérant alors que le gros des touristes de cette station familiale et locale vient de terminer ses vacances. "Lundi matin, nous avons eu une famille du Mans et des Marseillais et les gîtes se sont très peu loués."Photo d'archives.

Avec quatre jours d’ouverture en tout et pour tout sur le domaine nordique, la SELM se projette déjà sur la saison estivale. "Pour nous, l’été, ce sont les 3/4 des revenus et avec un hiver comme celui-ci, il va falloir faire une très très belle saison estivale, explique François Philibert. En tant que SEML, nous avons des aides à l’installation mais pas au fonctionnement, il faut donc qu’on équilibre."

Remise en question de la DSP ?

Le gérant, l’assure, malgré des hivers doux à répétition, pas question pour le moment de renoncer à l’activité neige.

Nous avons récemment eu de bons hivers, donc on voit que c’est possible, mais si nous passons une prochaine saison avec les mêmes conditions, on pourra se poser la question de conserver la DSP.

En attendant, les températures clémentes ont permis de faire avancer le chantier du nouveau restaurant sur site qui pourrait être opérationnel dans les prochains mois. "En cas de manque de neige, l’activité restauration permettra d’occuper les salariés permanents", espère François Philibert qui depuis des années mise surtout sur les activités estivales, tout schuss.

Yann Terrat

Chalmazel. La station ligérienne gérée par le Département de la Loire a elle aussi sauté sur l’occasion dès lundi 4 mars. Trois des 15 pistes, dont la principale, celle des Jasseries, ont rouvert. Faute d’enneigement et malgré l’utilisation des canons à neige, la station n’a pu ouvrir que par intermittence, cette année.