Béné, cette cheffe auvergnate rebelle qui casse les codes de la cuisine

À seulement 30 ans, Bénédicte Cothenet, Béné pour les intimes, a ouvert à Thiers un atypique restaurant, où se côtoient tapas, planches et menu du jour, à cheval entre tradition et modernité. Un aboutissement pour la cheffe, qui se sent enfin libre d’exprimer sa créativité débordante.

"Quand on me dit que je ne peux pas faire quelque chose, ça me donne encore plus envie de le faire." C’est probablement cet état d’esprit qui a porté la carrière de Bénédicte jusqu’à présent. Celle que tout le monde surnomme Béné tient depuis début mai un bar à tapas au 71, avenue Joseph-Claussat à Thiers, niché dans une ancienne manufacture de la vallée des usines.

Sobrement nommé DGDH (De gras et d’herbes), cet atypique bistrot qu’elle gère avec son conjoint Ben est un rêve de longue date de la jeune femme, tout juste devenue trentenaire en avril.

Si aujourd’hui Bénédicte ne jure que par la cuisine, la Bourguignonne ne se destinait pas initialement à une carrière derrière les fourneaux. Artiste dans l’âme, elle se voyait plutôt styliste ou architecte, mais ses professeurs ont préféré l’orienter vers la cuisine. "J’aime cuisiner, mais je ne vais pas en faire mon métier", se disait alors Bénédicte. L’avenir lui prouvera pourtant le contraire. 

Un parcours de bourlingueuse

Bac professionnel en poche, Bénédicte entame un BTS cuisine au lycée polyvalent Valéry-Larbaud à Cusset. C’est là qu’elle commence à faire ses griffes. Mais la jeune apprentie ne supporte pas de rester trop longtemps au même endroit. Sa bougeotte la poussera à beaucoup se déplacer au fil de sa carrière.

Les habitués du Bar à Jules à Escoutoux, dont le duo Béné et Ben avaient repris les commandes en 2018, se souviendront sûrement de Maurice. Impossible de rater ce camion réaménagé souvent garé aux abords du restaurant. Si Maurice est aujourd’hui en panne, il a permis au couple de vivre de "petits week-ends à la cool", selon Bénédicte.

Ses voyages ne se sont pas limités qu’à la France : le métier de Bénédicte l’a parfois amenée à s’aventurer en Afrique, par exemple. Toutefois, dix jours lui ont suffi pour la convaincre que cuisinière d’hôpital au Tchad n’était pas le poste qu’il lui fallait.La vadrouille a beaucoup apporté à la cheffe, mais elle n’est visiblement pas pérenne. Ouvrir ce bar à tapas à Thiers découle d’une volonté de calme et de stabilité pour la jeune femme : "Il arrive un moment où quand on s’essouffle dans notre travail, on a juste envie de profiter de la vie", explique-t-elle, également impactée par la naissance de ses deux filles ces dernières années.

Jetez un coup d’œil à Bénédicte, et il vous sera presque impossible de les rater : ses cheveux en dreadlocks rouge bordeaux, assortis à son tablier. Celle qui - sans surprise - baigne dans la musique reggae depuis le berceau, s’esclaffe :

Je voulais une frange, donc j’ai défait mes dreads à la fourchette !

L’allure atypique de la trentenaire, qui va de pair avec son caractère pétillant, se reflète dans sa cuisine. Lorsqu’elle est aux fourneaux, Bénédicte s’amuse à mélanger les textures, les goûts et les couleurs pour offrir à ses clients des plats qui sortent du commun. Elle qui souhaitait autrefois se lancer dans la décoration d’intérieur, s’attelle maintenant à la décoration d’assiette.

Des menus qui sortent du commun, mais qui sont en réalité des classiques revisités. Bénédicte s’est donné pour objectif de prendre les recettes traditionnelles de la gastronomie française et de les décaler le plus possible. Le bœuf se déguste désormais en plancha, et le tataki de thon remplace les cuisses de grenouille. Une carte innovante mêlant tradition et modernité, et surtout, des prix abordables : la cheffe tient à rendre la cuisine gastronomique plus accessible.

Promouvoir le Girl Power

Si Bénédicte se sent aujourd’hui libre d’expérimenter autant qu’elle veut dans sa cuisine, cela n’a pas toujours été le cas. La jeune femme s’est souvent sentie enfermée dans la plupart des cuisines où elle s’est retrouvée. Enfermée, entre-autre, dans un métier où le patriarcat règne. Elle confie, imperturbable :

Des discours salaces, des traitements sexistes, je m’en suis pris. J’étais considérée comme de la chair à pâté. Mais ça forge !

C’est pour cela que Bénédicte, devenue son propre patron, met un point d’honneur à aider les autres femmes cuistots. "Évidemment, je ne compte pas embaucher que des femmes, mais je tiens à promouvoir le Girl Power !", précise-t-elle.

Aujourd’hui, tout semble rouler pour Bénédicte, qui envisage de devenir saisonnière. L’hiver, elle pourra ainsi s’essayer à l’artisanat en travaillant le bois et le métal pour donner un décor flambant neuf à son restaurant.

Selim Ben Abdallah