Série (2/4) : "L'entraîneur qui rend les joueurs meilleurs", Pascal Gastien vu par ceux qui l'ont côtoyé
« Pascal Gastien ne se met jamais en avant ». Ils disent tous ça, ceux qui ont côtoyé le futur retraité du Clermont Foot. Alors ils se mettent à plusieurs pour le pousser, et saluer le travail d’un entraîneur qui n’a juré que par le jeu, pas par le “je”, durant toute sa carrière.
Série : La der de coach Gastien
Dimanche, à Lorient, Pascal Gastien vivra le dernier match de sa carrière sur un banc de touche. Jusqu'à samedi, à l'occasion de quatre épisodes, La Montagne décrypte la trace que va laisser le technicien dans l'histoire du Clermont Foot. Voici l'épisode 2. >> Épisode 1 : retour en chiffres sur les années records de Pascal Gastien au Clermont Foot
Si, si, c’était bien lui... Corinne Diacre a pourtant bien failli ne pas le reconnaître, son ami. Ce 15 août 2014, Pascal Gastien est sur le banc de Châteauroux, fraîchement repêché en Ligue 2. Il reçoit Clermont lors de la 3e journée, et celui qui avait sympathisé quelques mois plus tôt avec la coach du CF63, quand ils passaient leur diplôme, n’a pas vraiment ressemblé à la « crème » que la future sélectionneuse de l’équipe de France avait appris à connaître, quand ils covoituraient pour aller à Clairefontaine.
Au stade Gaston-Petit, il fait chaud, et Pascal Gastien bout. Il râle dans sa zone, s’en prend aux décisions de l’arbitre. Corinne Diacre en rigole encore en repensant à la scène : « Je le regarde, et je me dis : “Mais c’est une bourrique en fait, sur un banc ?!” » Oui, mais il l’était déjà quand c’était un Chamois, à Niort. Et Franck Azzopardi, pour avoir été son adjoint pendant quatre ans, a appris à comprendre l’attitude de l’entraîneur :
« Il est pris par le jeu, comme quelqu’un qui aime profondément son sport. Il aime ce qui est juste et parfois il a l’impression que l’arbitre ne l’est pas ».
Pascal Gastien est « un compétiteur », voilà tout. Et rien ne dit que Clément Turpin ne l’entendra pas encore élever la voix, dimanche à Lorient, alors même que l’enjeu va manquer pour le dernier match de sa carrière. « Il a son petit caractère, mais il en faut dans ce milieu ». Corinne Diacre sait de quoi elle parle.
Elle sait aussi très bien qui est l’homme derrière l’entraîneur qui va prendre sa retraite après un 263e match sur le banc clermontois. « Quelqu’un de généreux, le genre de personne vraiment humble qui ne se met jamais en avant ». En coulisses, Claude Michy décrit un personnage « très drôle ». Franck Azzopardi, lui, évoque « l’empathie » du Rochefortais, « très à l’écoute des gens ». Au Clermont Foot, sa disponibilité a d’ailleurs rallongé pas mal de journées...
Avec lui, ça peut facilement durer des heures s’il faut parler de football. C’est la passion qui parle, celle qui a façonné « les idées » de Pascal Gastien, pour développer chez lui ce que Corinne Diacre appelle « un entêtement à bon escient » : « Il est têtu, pas buté, mais il a suffisamment d’expérience pour être sûr de ses idées. Il savait où il voulait aller avec son équipe et il l’a prouvé à Clermont ». À Niort aussi, où Franck Azzopardi a vu un entraîneur avec « une vraie personnalité, avec l’envie d’avoir une identité de jeu et des résultats qui sont la conséquence de cette identité de jeu. Son parcours parle pour lui : entre Niort et Clermont, il y a eu de la qualité de jeu, de l’enthousiasme, des buts, du mouvement. Bien jouer, pour lui, c’est le meilleur moyen de gagner des matchs ».« Quand on voit des joueurs comme Yohann Magnin, c’est Pascal », analyse Corinne Diacre. « Lorenzo Rajot ou Mohamed Bayo, c’est Pascal. Ce qu’ils sont aujourd’hui, c’est Pascal. Tous ces joueurs-là lui doivent beaucoup ».
C’est aussi un moyen de faire progresser les joueurs. Quentin Bernard en sait quelque chose, et le meilleur ami de Johan, qui a trouvé « une seconde famille avec les Gastien », est aussi devenu un autre joueur avec Pascal. « C’est lui qui m’a replacé à gauche en défense, et c’est grâce à lui si j’ai fait ma carrière à ce poste. Et sans Pascal, je ne serais pas la personne que je suis aujourd’hui ».
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À Clermont, certains éléments peuvent sûrement en dire autant. « Quand on voit des joueurs comme Yohann Magnin, c’est Pascal », analyse Corinne Diacre. « Lorenzo Rajot ou Mohamed Bayo, c’est Pascal. Ce qu’ils sont aujourd’hui, c’est Pascal. Tous ces joueurs-là lui doivent beaucoup ». Formateur dans l’âme, l’ancien joueur de l’OM ou Nice est devenu « un entraîneur qui rend les joueurs meilleurs », dixit Franck Azzopardi :
« Ce qui l’intéresse, ce n’est pas la gloire, c’est le jeu, c’est faire progresser des joueurs. J’aurais bien aimé le voir avec plus de moyens et un effectif plus ambitieux, voir ce qu’il aurait pu leur apporter ».
On peut imaginer, oui, en rappelant qu’il a fait passer Niort de la 4e division (CFA) à la 5e place de Ligue 2, en cinq saisons. Qu’il a fait monter le Clermont Foot en Ligue 1 et que l’équipe à qui on promettait l’enfer dans l’élite y aura passé trois saisons. « Ce qu’il a fait au club, c’est magique », renchérit Claude Michy, son premier président en Auvergne, celui qui avait insisté, alors qu’il négociait la vente du club, pour que les futurs propriétaires s’appuient d’abord sur le technicien pour mener à bien leur projet.
Le résultat est connu, et « grâce à toi, ce club a joué 110 matchs en Ligue 1 » a pu lui écrire Quentin Bernard après le match face à l’OL, avant de conclure : « Je pense que tu es une légende ici ». Même s’il quitte Clermont sur une relégation - « un crève-cœur pour lui » -, le Niortais n’est sûrement pas le seul à le penser.
Laurent Calmut