Rayons vides, promotions jamais vues... Toujours sans repreneur, le Géant Casino de Malemort, miné par l'incertitude
Rayons vides, promotions plus qu’alléchantes, le Géant Casino de Malemort (Corrèze), toujours en attente d’un repreneur, est rongé par l’angoisse. Les 78 personnes qui y travaillent entrent dans un processus de Plan de sauvegarde de l’emploi qui s’est ouvert mardi 7 mai, à Saint-Etienne.
« -70 % », « déstockage massif », « troisième à 0 € »… Les affiches criardes ne laissent aucun doute. Le Géant de Malemort (Corrèze), qui n’a pas été retenu dans l’accord de reprise national passé avec Intermarché, Auchan et Carrefour, se débarrasse de ses stocks. Le rayon électroménager a déjà disparu. Des mètres et des mètres de rayonnage sont laissés totalement vides. Les joyeuses annonces publicitaires crachées par les haut-parleurs ne changent rien à l’affaire. Le Géant se meurt tranquillement.
Première réunion en vue du PSECe mardi 7 mai 2024 avait lieu, à Saint-Étienne, la première réunion, ouvrant la phase « d’information-consultation des représentants du personnel sur le projet de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) » de la filiale Distribution Casino France (DCF). Les soixante-dix-huit salariés du magasin de Malemort en font partie.
En attendant, l’une d’entre eux, portant un gilet sans manches estampillé « Casino », resserre le rayon des piles. « On fait en sorte que ça ait l’air moins vide », lâche-t-elle. Mais sur 8.200 mètres carrés, resserrer ne sera pas suffisant. Alors, on a ressorti les peluches de la coupe du monde de rugby 2023 qui devaient dormir dans un coin, ou encore d’anachroniques tenues affriolantes de mère Noël. Les chocolats de Pâques sont presque donnés… Avis aux retardataires.
Charbon de bois, parasols et nappes...« Il y a quelque temps, il y avait une offre sur du charbon de bois. Les gens sont repartis avec des charriots entiers. Il y a eu aussi des parasols, des nappes qui se vendaient un ou deux euros… On dirait qu’ils reçoivent les stocks des autres magasins qui ferment ou qui changent d’enseigne », constate un habitué. « C’est malheureux de voir le magasin comme ça », lance un autre.
Quel avenir pour le Géant ?Et la question qui est sur toutes les lèvres : que va-t-il se passer pour cet hypermarché mythique corrézien ouvert en 1972 ? Un panneau posé par les commerçants de la galerie marchande est posté à chaque entrée. « En l’état, il n’y a pas d’information attestant que notre hypermarché serait amené à fermer. Différents projets de reprises du magasin Casino sont par ailleurs toujours à l’étude. »
La direction de la communication des enseignes Casino confirme. « Nous recherchons activement un repreneur, nos équipes sont mobilisées en ce sens. » Laurent Darthou, le maire de Malemort, dit aussi « travailler sur ce dossier complexe en toute discrétion » mais « y passe un quart de son temps ».
« Des marques d’intérêt, mais rien de fiable et rien de signé pour l’instant »Même si Casino affirme informer les salariés malemortois régulièrement, ils semblent plongés dans une grande incertitude. « Je ne sais pas ce qui va nous arriver. Nous ne savons rien… J’essaie de relativiser », lance la dame au rayon piles. En caisse, « un client sur deux pose la question, mais nous ne savons pas quoi répondre ».
Face à la situation, la direction de la communication des enseignes Casino affirme « comprendre les interrogations et inquiétudes tout à fait légitimes des salariés du magasin, mais nous ne pouvons pas dévoiler à ce stade la nature des marques d’intérêt qui nous parviennent, au risque d’en compromettre l’issue ». La CFDT locale tient le même discours, « il y a des marques d’intérêt pour notre magasin, mais rien de fiable et rien de signé pour l’instant ».
Inquiétude dans la galerie marchandeLes inquiétudes touchent aussi les commerçants de la galerie marchande qui sont liés par des baux à Mercialys, le propriétaire de la galerie, entité indépendante du Casino. « Aucun indice ne nous fait croire à une reprise. Psychologiquement, c’est compliqué pour tout le monde. Surtout pour ceux qui sont à l’intérieur », estime Gabrielle Lescure, vendeuse de lingerie, qui voit la fréquentation de sa boutique s’amenuiser jour après jour.
Chez le vendeur de journaux, « il y a dix ans, 600 clients passaient la porte quotidiennement. Ils ne sont plus que 200 aujourd’hui. Même les vendredis 13, ce n’est plus ce que c’était », désespère Nadège qui replace soigneusement les magazines.
Toutefois, il en faudra plus pour désarçonner Geneviève Renaudin, gérante de la mercerie depuis trente-quatre ans, qui emploie quatre personnes. « Il y a eu les inondations de 2001, les Gilets jaunes, six années passées sans voisin, le Covid… Et on est toujours là », lance-t-elle en laissant un instant son élève venue apprendre à dompter sa machine à coudre. « Ça, on ne peut pas l’apprendre sur Internet. »
Pour elle, « la sécurité, le rez-de-chaussée, la climatisation, la propreté de la galerie, ses larges horaires d’ouverture » sont ses atouts majeurs. « Elle a tout pour réussir », se convainc-t-elle.
Fixé au plus tard le 7 septembreLa première réunion de mardi au siège du groupe Casino, à Saint-Etienne ouvre une période qui peut aller jusqu’à quatre mois de négociations avec les représentants syndicaux dans le cadre du PSE. Le Géant devrait être fixé sur son sort au plus tard le 7 septembre.
Emilie Auffret