Qu'est-ce que l'Aire terrestre pédagogique en projet dans le parc du lycée Perrier, à Tulle ?
Tous les enseignements sont dans la nature. La preuve avec le projet d’Aire terrestre pédagogique porté par le lycée Edmond-Perrier, à Tulle.
Dans l’enceinte du lycée Edmond-Perrier, à Tulle, la nature prend ses aises entre les averses de ce printemps morose. Une dizaine de corbeaux freux tournent au sommet des grands sapins, où leurs nids se dessinent sur le ciel gris. Dans l’air, flottent les chants mêlés des rouges-gorges, pinsons des arbres, mésanges bleues, grimpereaux des jardins. « On voit même passer régulièrement des pics-verts et quelques choucas logent dans des vieux bâtiments », raconte Paul Valery, yeux et oreilles aux aguets.
Le professeur de maths et d’enseignement scientifique, en 1re et terminale, marque un arrêt. Mésanges bleues et roitelets triples bandeau mènent la ronde. « Chouette, ce nichoir est habité aussi ! C’est un va-et-vient permanent tout autour, quand le mâle et la femelle se relaient pour nourrir les petits. » Plus loin, il repère un tapis de myosotis des champs au bleuté délicat, avant de s’accroupir pour observer quelques orchis mâles à ses pieds. Tout près, des chevreuils ont déjà été aperçus.
Étudier la nature pour mieux la préserverLes 5 ha du parc du lycée Edmond-Perrier débordent d’une biodiversité sur laquelle l’enseignant et quelques élèves ont décidé de veiller. Après avoir lancé un club nature et impulsé la création d’un refuge LPO (*), ils portent un projet d’Aire terrestre pédagogique, avec la FAL 19 (un projet porté au national par l’OFB (l’office français de la biodiversité, N.D.L.R.). « Je suis là pour faciliter, ce sont les élèves qui sont partie prenante », sourit-il.Les élèves envisagent de réaliser un inventaire de la flore, qui pourrait servir de base à des exercices plus scolaires.
À Tulle, l’école de la Croix-de-Bar accueille déjà une Aire terrestre pédagogique (et un refuge LPO) ; il y en a onze en Corrèze, quasi toutes en primaire. « Il s’agit de mener un projet pédagogique en lien avec l’environnement, résume Paul Valery. Normalement, dans une parcelle communale à moins de 15 minutes à pied ou à vélo de l’école. Nous avons eu une dérogation pour le faire à l’intérieur du lycée, dans le parc. Certains élèves le connaissent peu, mais beaucoup se l’approprient déjà. »
Une vingtaine d’élèves du club nature et d’éco-délégués sont aujourd’hui mobilisés. En décembre, ils ont tenu leur première assemblée « pour échanger et poser les bases de l’Aire : quel périmètre, quoi mettre en place ? »
5.000 m² identifiés, une haie en projetQuelque 5.000 m² ont été identifiés, sur les hauteurs du parc notamment, en surplomb du collège Clemenceau. Là, les élèves ont décidé de créer une haie d’arbres et d’arbrisseaux.
« À côté, il y a une parcelle privée, connectée au vallon jusqu’à la Croix-de-Bar. D’ici, on est connecté à tout le plateau. Or, pour rejoindre la partie boisée en bas, la microfaune est à découvert. Une haie servirait de refuge pour les nids, aiderait les pollinisateurs et elle créerait un corridor. C’est ce qui manque dans les grands espaces, ce qui empêche les brassages des espèces et cela atteint la biodiversité. Ça rejoint ce qu’ils voient en SVT et c’est concret. Ce sont les élèves qui vont planter ! »Une mare pourrait être créée dans une petite zone humide existant à mi-hauteur du parc.Les élèves prévoient aussi la réalisation d’un « inventaire de la flore, notamment un herbier » et l’an prochain, ajoute l’enseignant, « si on a un peu de budget et que des élèves volontaires, on pourrait peut-être créer une mare dans une petite zone humide qui existe en contrebas du gymnase. »
L’Aire terrestre pédagogique peut croiser plein d’enseignements, l’aménagement du territoire en géographie, le traitement des images en NSI, les statistiques en maths ou la valeur de l’environnement en SES.
Des travaux pratiques qui se doublent d’enseignements scolaires, appliqués à leurs activités naturalistes. « En fin de semaine par exemple, en SNT, on travaille sur les bases de données, explique le professeur. On le fait sur les données de chiroptères du GMHL (Groupement mammalogique et herpétologique du Limousin) par exemple, qui sont liées au Muséum d’histoire naturelle. Au lycée, on y est connecté naturellement (Edmond Perrier en a pris la direction en 1900, N.D.L.R.). »
« L’Aire terrestre pédagogique peut croiser plein d’enseignements, insiste Paul Valery, l’aménagement du territoire en géographie, le traitement des images en NSI, les statistiques en maths ou la valeur de l’environnement en SES. L’idée, c’est de mettre en connexion des thèmes et des gens. Et ça peut même déclencher des vocations. »
Sorties sur le terrainIl poursuit : « On forme de futurs citoyens. Certains vont d’ores et déjà voter, d’autres peuvent s’engager dans leur commune. C’est l’occasion pour qu’ils s’approprient les enjeux de l’aménagement du territoire. Que fait-on de nos espaces naturels ? Les laisse-t-on sous cloche ou quels usages peut-on en faire ? Et avec quels acteurs ? »Labellisée réserve LPO, le parc du lycée est déjà doté de nichoirs et entretenu de manière raisonnée.
Déjà, les lycéens ont organisé un forum sur la biodiversité et l’environnement, à destination des lycéens, des collégiens de Clemenceau et des écoliers de la Croix-de-Bar. Le 7 juin, une sortie dans la réserve naturelle régionale de la haute vallée de la Vézère, à Saint-Merd-les-Oussines, est prévue, à la découverte notamment des oiseaux et de l’une des dernières stations d’arnica montana du Limousin.
D’ici les vacances, le lycée Perrier saura s’il est officiellement labellisé Aire terrestre pédagogique. « Même sans, on pourra mener des actions », prévient Paul Valery. Avec moins de budget, ce qui pourra donner lieu à un exercice d’économie.
(*) L’agrément, officialisé en janvier 2023, est renouvelable tous les 3 ans. Il vise notamment à l’installation de nichoirs, la mise en œuvre de tonte raisonnée ou l’arrêt de tous pesticides.
Blandine Hutin-Mercier