"Je suis une anomalie en permanence" : un homme trans et deux lesbiennes racontent leur quotidien en Corrèze
Avant le festival féministe et queer, Gender is over, qui se déroule du 29 au 31 mars à Brive (Corrèze), un homme trans et deux homosexuelles nous ont raconté leur quotidien, leurs combats et leurs difficultés dans un département rural.
Des mots pour partager leur vécu, raconter leurs combats… À l’occasion du festival féministe et queer Gender is Over qui se déroule à Brive ce week-end, nous avons demandé à un homme trans et à deux lesbiennes de nous éclairer sur leurs difficultés au quotidien, dans un département rural comme la Corrèze. Flo et Théo témoignent sous un prénom d’emprunt.
Flo : "On nous avait jeté des cailloux"Flo est installée en Corrèze depuis sept ans. « J’y ai suivi mon amie de l’époque, puis nous nous sommes séparées. Du coup, je me retrouve célibataire dans un endroit assez calme. Clairement, il vaut mieux être une homosexuelle célibataire à Toulouse, Bordeaux ou Paris. » Elle insiste : « J’ai eu la chance de ne pas avoir vécu de discriminations directes à Brive où je me sens apaisée. J’en ai souffert, ailleurs. »
Il y a une vingtaine d’années, à Besançon, on nous avait jeté des cailloux, parce qu’on était deux filles et on se tenait par la main. À Paris, je me suis fait insulter dans le métro.
La jeune femme explique : « Je n’annonce pas à tout le monde que je suis homosexuelle. Je suis d’abord une personne, avant d’être une lesbienne.» La marche des fiertés à Limoges. Photo : Christophe Péan Pour se sentir moins isolée, Flo fréquente « des endroits de liberté avec des discussions féministes. Je travaille dans un lycée et j’ai l’impression que pour les jeunes, c’est plus facile de vivre et de révéler leur bisexualité ou leur homosexualité qu’à mon époque. Mais la transidentité n’est pas encore comprise et acceptée comme il le faut. Ça reste très dur pour les trans. »
Une discrimination subtile au quotidien pour ThéoThéo est un homme trans, installé en Corrèze, depuis dix ans. « On m’a dit à la naissance que j’étais une femme et qu’il fallait que je sois éduquée comme une femme et ça ne me correspondait pas, raconte-t-il. Je considère qu’il y a eu une erreur sur la manière avec laquelle il fallait que je me comporte, en adoptant le rose, les poupées Barbie et tous les stéréotypes qui vont avec. Mon corps me va bien, mais c’est le regard porté sur mon corps par la société qui me dérange. »Il se définit comme une personne non binaire et trans masculine. « On est dans une société binaire et pour ne pas être perçu comme une femme je préfère être perçu comme un homme. Mais, en réalité, je préférais ne pas être perçu selon mon genre. »
La première question qu’on me pose est toujours la même, très intrusive : “est-ce que tu t’es fait opérer ?”, alors que si je rencontre quelqu’un, je ne vais pas lui demander s’il a été opéré de l’appendicite ou comment ça se passe avec sa prostate.
La transition vers un autre sexe est souvent réduite à la question médicale, alors qu’il y a autant de sortes de transitions que de personnes. « Ma transition sociale consiste à demander que les gens autour de moi m’appellent autrement. À l’école de mon enfant, quand j’ai dit que je ne voulais plus être appelé “maman”, mais, “papa”, c’était très facile. Mais, au centre de loisirs la réponse a été : “est-ce que votre enfant a besoin d’un accompagnement “, alors que ces personnes-là ne sont en rien formées pour un tel accompagnement. Ça fait trois ans que j’ai transitionné socialement et certains continuent à m’appeler avec mon ancien prénom et à dire “elle”. »
Pour Théo, au quotidien, la discrimination est subtile. « Je suis une anomalie en permanence. Je suis la personne qui dérange, pour laquelle il faut faire un effort. »Théo a aussi engagé une transition médicale à Toulouse. « Là-bas, je trouve aussi des gens qui partagent mon quotidien, mon expérience, je me sens moins seul. » Il a également fait les démarches pour une transition administrative. « J’ai un copain à Toulouse qui a demandé le changement d’état civil. Il y a un an d’attente. En Corrèze, on est tellement peu nombreux, que ma demande a été acceptée en deux mois. C’est une des rares choses qui s’est faite très vite. C’est ma mairie de naissance qui traîne maintenant pour faire le changement dans l’état civil. »
Sora : "Des endroits queers safe à Brive"Sora, 25 ans, s’est installée en Corrèze en mai dernier. « Ici, je n’ai pas souffert de discriminations, ni d’agressions verbales ou physiques. Il y a des endroits queers safe à Brive, où on est très bien accueillis et où on peut se retrouver entre amis en sécurité. En arrivant en Corrèze, j’avais peur de ne pas trouver d’associations de queers ni de personnes comme moi. Finalement, ça a été tout le contraire, notamment avec Grive la Braillarde ou Arc en Corrèze qui organisent des évènements nous permettant de nous réunir. »
Dragan Perovic