Manches en déchets, lames en acier recyclé, eau en circuit fermé... La coutellerie s'engage pour un monde meilleur
À Viscomtat (Puy-de-Dôme), la coutellerie Jean Dubost comme toute une filière s’intègre pleinement dans les enjeux de demain. Éco-conception, innovations, recyclage, les résultats sont probants.
Plus de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires dont 40 % à l’export dans une soixantaine de pays, 64 collaborateurs, et un siècle d’histoire. 104 ans exactement. Mais la coutellerie Jean Dubost ne se contente pas de regarder derrière. Au contraire. Elle va de l’avant, pour être actrice face aux défis écologiques, avec des innovations adaptées, et un peu de bon sens.
Bois, plastique, canne à sucre… des manches 3.0. "Historiquement, la partie “Responsabilité sociétale de l’entreprise” a fortement commencé par la partie d’éco-conception des produits, bien avant qu’elle ne soit au goût du jour", avance Benoît Berot, directeur commercial et marketing. C’était donc en 2008, avec la réflexion de se passer du plastique pour fabriquer des manches de couteaux.
50 % des manches en bois issus de forêts durables"Nous avions opté à la base pour de l’amidon de maïs", se souvient-il, cherchant à obtenir des produits "plus vertueux et recyclables. Mais nous étions presque un peu trop en avance. Il y avait une certaine écoute, mais la transformation en chiffre d’affaires n’était pas encore perceptible."
Aujourd’hui, les déchets de canne à sucre ont remplacé l’amidon, et l’entreprise a depuis, beaucoup travaillé sur un autre sujet : le recyclage des matières plastiques, issues de la grande consommation et des industriels.
Il a fallu adapter nos outils de production pour donner une seconde vie aux déchets, et se mettre en lien avec des entreprises spécialisées dans la collecte et le recyclage.
Benoît évoque par ailleurs, à ce jour, l’équivalent de deux millions de bouchons de plastiques collectés et recyclés.
L’économie circulaire n’est pas en reste, avec la réutilisation de leurs propres déchets de plastiques, notamment le polypropylène, réinjecté pour générer une nouvelle matière.
Plastique d’un côté, et bois de l’autre. En 2024, l’entreprise l’affirme, 50 % de ses manches en bois sont en chêne ou hêtre, issues de forêts européennes durablement gérées (contre 20 % il y a encore quatre ans), permettant d’obtenir le label PEFC.
Acier, eau, emballages, la chasse au gaspillage par le recyclage. Si la coutellerie Jean Dubost a axé ses efforts sur la fabrication de ses manches, elle a aussi poussé le développement durable dans son process de fabrication avec 65 % de ses fournisseurs issus de la région, et en ayant fait un effort sur ses emballages : "On a réduit énormément le plastique. Aujourd’hui, on utilise à 80 % du carton recyclé, du bois, et l’impression se fait avec des encres végétales par des imprimeurs locaux", présente Séverine Dubost, en charge du digital.
Concernant l’eau, et le refroidissement des moules notamment, l’entreprise travaille en circuit fermé depuis plus de 15 ans, ce qui a entraîné une diminution de la consommation de 83 %.
Des lames avec de l’acier qui composaient autrefois des voituresCarton recyclé, eau recyclée, et… acier recyclé. "Celui qu’on utilise pour nos lames est recyclé à hauteur de 86 %, en France ou en Belgique. C’est un positionnement fort dans le choix de la matière première", intervient Alexandre Dubost, le patron.
L’acier peut être issu d’une carrosserie de voiture, d’un corps de machine à laver… Les aciéries le font refondre, pour arriver à la qualité, aux normes et tolérances nécessaires. C’est une boucle vertueuse, plutôt que d’extraire du minerai. Il reste une partie incompressible, puisqu’il faut toujours rajouter du chrome ou du nickel par exemple.
Déchet ultime, énergie fatale…Même les pertes d’acier sont récupérées chez Jean Dubost. Les bouts d’émouture, dernier déchet ultime, sont séparés de l’eau magnétiquement, mis en containers, et redirigés vers une cimenterie via un système de collecte. Les cartons et films plastiques eux, sont placés dans un compacteur acquis par l’entreprise, pour avoir un taux de relève moins important.
Chez Jean Dubost, on a poussé la réflexion jusqu’à récupérer l’énergie fatale des compresseurs qui génèrent de la chaleur. Elle est récupérée pour chauffer une partie des ateliers. "Être vertueux ça ne coûte parfois rien ou parfois peu, c’est surtout de la volonté", assène Alexandre Dubost, qui termine en donnant un chiffre : "Depuis novembre, l’intégralité de notre éclairage est constituée de LED". Il n’y a pas de petits gestes pour préserver la planète et ses ressources.
Alexandre Chazeau