"Je suis prête à fermer mon cabinet" : pourquoi des psychologues s'opposent au remboursement des consultations
C’est une bonne nouvelle pour les patients. Moins pour les praticiens. Les consultations des psychologues seront remboursées, dès 2022, sur prescription médicale, a annoncé Emmanuel Macron, ce mardi, en clôture des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. « Avec cette mesure, on va vers une précarisation de la profession et des soins », déplore pourtant Sarah Thierrée, secrétaire du Syndicat national des psychologues en Bretagne.
Des consultations chronométréesEn Bretagne, où la professionnelle exerce, le département du Morbihan avait été choisi par l’Assurance maladie pour expérimenter le dispositif durant deux ans.
« Cela fait longtemps que l’on demandait une prise en charge partielle ou totale. De nombreux confrères ont accepté de participer à ce test mais beaucoup ne sont pas allés au bout. »
En cause : « des consultations montre en main » de 30 minutes, tout juste le temps qu’il faut pour poser les bases de la relation avec le patient, payées 22 euros brut.
30 à 40 euros la séance, moitié moins qu'à l'habituelEn généralisant la mesure à toute la population, à partir de 3 ans, le gouvernement a fixé « une tarification réaliste », selon les mots du chef de l’État, à 40 euros la première consultation, puis à 30 euros pour les autres. Moitié moins que la fourchette pratiquée de 50 à 70 euros, la séance d’une heure environ.
« À la fin du mois, on a 1.200 euros. Donc on fait quoi?? Des consultations à la chaîne pour payer nos charges?? C’est contraire à notre mission de départ qui est dans l’accueil. Ce métier, je l’ai choisi et je l’aime. Mais dans ces conditions, je suis prête à fermer mon cabinet. »
La crainte d'une prise en charge à deux vitessesPlus de 5.000 personnes ont rejoint, comme elle, le collectif Manifeste psy opposé au remboursement des consultations tel qu’il est proposé par le gouvernement. Certains ont songé à quitter leur profession en libéral ou à renoncer à leur titre. La mesure « permet aux psychologues qui veulent pratiquer en dehors de ce parcours de soins de le faire », a assuré Emmanuel Macron.
Les praticiens concernés s’inquiètent de tomber dans « une santé mentale à deux vitesses ». Entre ceux qui n’ont pas encore de patientèle et sont plus enclins à accepter les conditions. Et ceux pouvant pratiquer des tarifs plus élevés mais accessibles qu’à une certaine partie de la population.
Une prescription médicale qui ralentit les soinsLe problème est d’autant plus urgent que la profession est particulièrement sollicitée. Selon une étude du site Doctolib, les consultations chez les psychologues ont augmenté de 27 % entre octobre 2020 et mars 2021, par rapport à l’année précédente. Anxiété, épuisement, isolement, deuil… « On n’a jamais vu ça?! J’ai plus de deux mois d’attente », réagit Sophie Reynaud.
Elle a été partenaire des dispositifs PsyEnfantAdo et « chèques psy » pour les étudiants, sans enthousiasme. « Le principe est le même. Les patients sont baladés, doivent passer par leur médecin traitant à chaque fois. C’est un processus impensable qui, au final, ralentit le parcours de soins », critique la professionnelle bourguignonne.
Lisa Douard