La mission Bern sauve-t-elle vraiment notre patrimoine ? On a vérifié en Corrèze
Il y a tout juste quatre ans, le 16 septembre 2017, Emmanuel Macron confiait à Stéphane Bern la mission d’identifier les biens patrimoniaux en péril et de proposer des sources de financement innovantes pour les sauvegarder. Depuis, le Loto du patrimoine a été lancé, avec la visibilité que l’on connaît. Alors, la mission Bern a-t-elle vraiment sauvé le patrimoine corrézien qu’elle a mis sous les projecteurs ? On a vérifié.
Le pont romain de la VeyssadeCet édifice qui relie les communes de Merlines et Aix et qui enjambe la petite rivière Barricade, est dit romain mais les premières traces sur le cadastre remontent à 1818.
Pourquoi était-il en péril ?Le temps et l’eau de la rivière avaient abîmé les pierres du pont, certaines étaient tombées et des arbres poussaient sur l’édifice qui menaçait de s’effondrer.
Quelle aide a-t-il reçu ?Les premiers devis faisaient état de 20.000 euros de travaux. Finalement, le chantier s’est élevé à 16.000 euros. Le Loto du patrimoine a versé 6.000 euros et 4.000 euros sont issus de la souscription lancée via la Fondation du patrimoine. Le reste a été financé par le conseil départemental.
Est-il sauvé ?Oui. Les travaux ont été menés en 2019. Autre bonne nouvelle : l’argent versé étant supérieur aux montants des travaux, le reliquat a contribué à financer la rénovation des vitraux de l’église.
Le manoir de Vassinhac à Collonges-la-RougePhoto Stéphanie Para.On l’appelle parfois aussi le castel de Vassinhac. En contrebas de l’église de Collonges, il attire les regards.
Pourquoi était-il en péril ?Des infiltrations d’eau dans la toiture (de 1.000 mètres carrés?!) fragilisaient l’édifice. L’eau détruisait les planchers, la charpente et les murs à la chaux.
Quelle aide a-t-il reçu ?Éric Dueymes, son propriétaire assure qu’en 2018, à l’Élysée, on lui a promis 85.000 euros. Finalement, la mission Bern n’a apporté que 15.000 euros sur les 300.000 nécessaires aux travaux de sauvegarde. « Et j’ai mis trois ans à les avoir… » Pour la Fondation du patrimoine, « la première année a été un peu chaotique, reconnaît Jade Douchet Perez, chargée de mission à la délégation du Limousin. Lors des deux premières missions, c’était un peu fastidieux, il y avait beaucoup d’interlocuteurs pour chaque décision, ça ralentissait le dispositif. » Qui, promet-on, s’est amélioré depuis.
Est-il sauvé ?« Oui », répond son propriétaire. Grâce à la mission Bern ? « À hauteur de 15.000 euros », précise-t-il.
Collonges-la-Rouge : visite guidée du château de Vassinhac, désormais ouvert à la visite
L’église et le prieuré de Soudaine-LavinadièrePhoto d'archivesÀ côté de l’église, ont été découverts les vestiges d’un site unique en France : un prieuré appartenant à l’ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem.
Pourquoi était-il en péril ?Les vestiges avaient besoin d’être consolidés, protégés des intempéries et mis en valeur.
Quelle aide a-t-il reçu ?La Fondation du patrimoine a versé, en 2019, 14.000 euros dans le cadre du Loto du patrimoine. « 14.000 euros doivent être versés dans les semaines à venir puisque les travaux sont terminés. C’est prévu ainsi », rappelle Genevière Senejoux, secrétaire de l’association Les Amis de la Vineria. Une souscription via la Fondation du patrimoine a permis de collecter 20.000 euros. Le reste a été financé notamment par la communauté de communes.
Est-il sauvé ?Oui. Les travaux ont été achevés en juin et des visites guidées sont organisées.
La mission Bern en Corrèze, comment ça marche ?Depuis 2018, huit sites corréziens ont été retenus dans le cadre de la mission Bern et son corolaire, le Loto du Patrimoine. Un projet « emblématique », le viaduc des Rochers Noirs et sept autres sites, dits « prioritaires ». Le principe n’est pas de financer la totalité des travaux de sauvegarde mais « de donner une impulsion, un coup de pouce ».2018Lors de la première année, quatre sites sont soutenus par la Mission Bern en Corrèze : le pont romain de la Veyssade (6.000 €), le manoir de Vassinhac (15.000 €), l’église Saint-Martin-de-Tours et son prieuré (28.000 €) et les terrasses de la Bontat (45.000 €).2019Un seul projet est soutenu cette année-là en Corrèze : le château de Comborn (100.000 €).2020Le vivier de l’abbaye d’Aubazine (25.000 €) et le viaduc des Rochers Noirs (500.000 €) sont retenus.2021Le moulin du Travers est sélectionné : entre 50.000 et 60.000 euros de travaux sont nécessaires. Le montant de l’aide n’a pas encore été fixé, mais le site devrait être subventionné « de manière intéressante ».
Les terrasses de la BontatPendant des siècles, sur les coteaux de Voutezac, on a cultivé la vigne sur des terrasses de la Bontat.
Pourquoi était-il en péril ?Les terrasses étaient à l’abandon, depuis plus d’un siècle. L’association des Amis du pont du Saillant (APS) avait le projet d’en réhabiliter un petit hectare.
Quelle aide a-t-il reçu ?La Mission Bern apporte 45.000 euros, soit la moitié du coût du projet de sauvegarde, la somme étant versée au fil de l’avancée des travaux.
Est-il sauvé ?Oui, en partie, même si l’entretien de ces terrasses est un éternel recommencement. « Sans ce financement, on n’aurait pas pu réaliser ces travaux de restauration. On doit encore sécuriser le site, mais on espère y organiser quelque chose pour la Toussaint », assure Michel Breuil, président de l’association.
Le château de Comborn à Orgnac-sur-VézèreCe castrum, ou ce qu’il en reste (photo Stéphanie Para) était, au Moyen-Âge, un site majeur du Limousin.
Pourquoi était-il en péril ?Ce qu’il reste des murs de la chapelle, la tour d’escalier : les vestiges de la forteresse médiévale sont en train de s’effondrer. Il est urgent de les cristalliser. Une pièce voûtée va être reconstruite à l’identique. Et le chantier de restauration se visitera.
Quelle aide a-t-il reçu ?Le propriétaire a attendu un an avant de connaître le montant de la dotation qui représente au final la moitié du coût des travaux (200.000 euros). Mais le « tampon » Mission Bern permet aussi de bonifier d’autres aides publiques.
Est-il sauvé ?Oui, ou presque. « Les travaux vont être engagés ce mois-ci. C’est une opération fantastique, même si ça ne va pas assez vite à mon goût », confie Jean-Pierre Bernard, le propriétaire. Ceci dit, la patience est largement récompensée : le gain de notoriété est presque immédiat. Pour Comborn, cela a eu des conséquences jusque « dans les relations avec la commune : beaucoup de gens sont intéressés, désormais, par son sauvetage. »
Estelle Bardelot et Pomme Labrousse