Les raisons de la colère par Jérôme Fourquet, politologue, aux Grandes Rencontres à Vichy (Allier)
Invité en 2020, Jérôme Fourquet, politologue, avait fait découvrir au public des Grande Rencontres son ouvrage L'archipel français. Samedi, au palais des Congrès, il s'est exprimé en particulier sur les raisons de l'abstention et de la colère des citoyens.
Jérôme Fourquet s'est exprimé ce samedi, aux Grandes rencontres notamment sur les élections : abstention, rôle délégataire du Président, colère des citoyens, etc. Abstention. « L'important taux d'abstention a faussé les modèles en pratique des instituts de sondage. L'ampleur de cette abstention n'est pas une philosophie unique. Il y a des couches. Elle est contrastée. Dans les milieux moins insérés socialement, on ne se reconnaît pas dans l'offre politique. A cela s'ajoute les difficultés techniques avec la non- distribution des professions de foi.»
Les Régionales. «En 30 ans, les Francais ont constaté que droite ou gauche, les lycées, les routes se faisaient. Cette neutralisation s'est opérée via différents phénomènes. Dans "l'ancien monde" ces élections étaient un échauffement pour le grand rendez-vous des présidentielles. Les gens se disaient : " on est de gauche ou on est de droite, on fait passer un message". Il y a une crise de foi républicaine. Ce rituel républicain est obsolète pour toute une partie des jeunes générations. Il y a 50 % de votants chez les plus de 65 ans car, ils ont baigné dans cette mystique républicaine. Il y a 80% d'abstention chez les moins de 35 ans. Quelque chose qui allait de soi ne l'est plus. L'abstention augmente car les anciens ne sont pas remplacés par des jeunes qui ont le vote chevillé au corps ».
Les Présidentielles. « Les Présidentielles sont perçues comme quelque chose de délégataire. J'ai appelé cela " allez me chercher le patron !", une fois tous les cinq ans. Un certain nombre de Français très pragmatiques se disent, on va élire un boss et après il gère. Si ça ne va pas, on va sur les ronds-points. L'hypothèse la plus pessimiste, c'est que les électeurs décrochent même pour les Présidentielles. On verra cela dans un an.»
Les raisons de la colère. « Une partie s'exprime avec l'abstention. Comment vont les Français? On est plutôt dans une phase de soulagement avec chez certains de la colère sur les inégalités dans certains secteurs d'activités. Avec le "quoi qu'il en coûte " du Président, on a perfusé l'économie française. cela devrait se poursuivre jusqu'aux Présidentielles. Mais après...?
Effets confinements. « La sidération d'abord , puis la peur. 81% ont eu peur pour leur proche; 62% pour eux même. Grosso modo, la population a respecté les différents confinements par civisme, par peur du "gendarme " et de la contamination. Plus de 80% de la population est restée chez elle. Les Français ont respecté les règles même dans la sphère familiale. Dans la sphère intime, les Français ont besoin de retrouver leur proches pour lesquels ils ont été inquiets. »
L'image de l'Etat. « Quand le système de santé s'est effondré dès la première vague, face à la pénurie de masques et de matériel, il y a eu un choc d'orgueil national. La crise du covid a fonctionné comme un révélateur de notre déclassement. Il a fallut créer un pont aérien pour aller chercher des masques. La fragilité de notre tissu industriel est apparu. La France, pays de Pasteur n'a pas développé le vaccin. Quand cela va mal, on se tourne vers l'Etat. Or, il y a la lourdeur des décisions liées à la centralisation. Et ceux qui, pendant la crise ont trouvé des systèmes D, pour la fabrication des masques, de tests, L'Etat on leur a mit les bâtons dans les roues.»
Complotisme. « On n'a pas attendu le Covid pour être complotiste. 25% des gens sont dans une vision complotiste. Ce sont des positions de l'esprit. dans X Files on dit "La vérité est ailleurs". C'est le meilleur slogan des complotistes. Cela a toujours existé. Pourquoi cela se renforce? Le monde est complexe, il faut simplifier. Sur les réseaux sociaux, existent des contenus qui entrainent ce genre de pensées.»
Fabienne Faurie
Photos Julie de Solliers