Vaccination contre le Covid-19 : un soignant sur deux a reçu une dose dans l'Allier

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a adressé une lettre aux soignants pour les inciter à se faire vacciner estimant qu’ils sont encore trop peu nombreux à l’avoir fait. Pour le moment et alors que la piqûre n’est pas obligatoire, 56,1 % des professionnels exerçant dans l’Allier ont reçu au moins une première dose selon Santé Publique France. Dans les hôpitaux de Moulins, Vichy et Montluçon, la part des vaccinés dépasse les 30 %.

« Faites-le rapidement. » Dans une lettre publiée le 5 mars sur son compte Twitter, le ministre de la Santé Olivier Véran exhorte les soignants à se faire vacciner contre le Covid-19. « Aujourd’hui, près de 40 % des personnels en Ehpad et 30 % des personnels des établissements de santé sont vaccinés, écrit le médecin neurologue. Cela ne suffit pas. »

 

— Olivier Véran (@olivierveran) March 5, 2021

 

Après avoir été des « héros » applaudis par la population, les soignants seraient donc les mauvais élèves de la vaccination. Mais qu’en est-il dans l’Allier ? Recherche effectuée, les statistiques de Santé Publique France démontrent que ça ne va pas si mal. Dans le département bourbonnais, au 22 mars, plus de la moitié des professionnels (56,1 %) quel que soit leur lieu d’exercice (*) ont été vaccinés avec au moins une dose, soit 6.515 personnes, et plus du tiers (37,8 %) ont reçu les deux, soit 4.390 personnes. Ces résultats dépassent de dix points les taux régional et national bien que le poids démographique de la population cible ne soit pas équivalent et comparable d’un secteur géographique à l’autre.

Plus de 33 % à Moulins, 45 % à Montluçon, 37 % à Vichy

À Moulins, Vichy et Montluçon, les premiers professionnels ont pu retrousser leurs manches dès le mois de janvier pour se faire vacciner en ville et à l’hôpital. Interrogés à ce sujet, les trois centres hospitaliers de l’Allier annoncent quasiment les mêmes taux : plus du tiers au 22 mars. Soit plus de 700 professionnels à l’hôpital de Moulins-Yzeure parmi lesquels plus de 400 ont reçu les deux injections et la proportion grimpe « à plus de 66 % chez les médecins et internes, la catégorie la plus vaccinée de l’établissement », selon le secrétaire général Fabien Amengual-Serra. Au centre hospitalier de Montluçon, qui englobe aussi l’hôpital de Néris-les-Bains et les Ehpad rattachés, quelque 45,10 % des 1.952 professionnels de santé enregistrés (soit 880 personnes) étaient vaccinés au 19 mars. Enfin, 39 % des effectifs l’étaient aussi à l’hôpital de Vichy, au 23 mars, soit 785 personnels tous métiers confondus dont 661 avec les deux doses.

Des soignants vaccinés ou contaminés

Dans ce dernier, 270 professionnels soit 13 % des effectifs ont été contaminés par le virus au cours de la deuxième vague.

« On a donc plus de 50 % des agents protégés entre les volontaires vaccinés et ceux qui ont eu le Covid. Protégés, car ils ont développé des anticorps. »

« La plupart souhaite avoir une protection totale et se faire vacciner, assure Didier Aguilera. On n’est pas inquiet. C’est l’autre moitié qu’il faut convaincre. »

Même constat au centre hospitalier de Montluçon, où 2 à 3 % des professionels (une quarantaine de personnes) doivent encore attendre avant de pouvoir tendre le bras. Soit parce qu’ils ont eux-mêmes contracté le virus, soit « faute de doses suffisantes », souligne la directrice Bernadette Mallot. Et puis il reste les non-vaccinés, « ceux qui ne veulent ou bien qui ne peuvent pas le faire ». Lesquels représentaient, au 19 mars, 53 % (1.035 personnes) des effectifs.

Faut-il rendre la vaccination obligatoire ?

Aussi, faut-il contraindre ces soignants en rendant le vaccin contre le Covid-19 obligatoire ? « Je suis partagée », dit Bernadette Mallot. « Pour les professionnels qui sont auprès de publics fragiles, les soignants en Ehpad ou à l’hôpital, je pense que oui, on pourrait imaginer de rendre leur vaccination obligatoire, comme pour l’hépatite B par exemple », développe-t-elle. « En une dizaine de jours, fin février-début mars, ont était passés de 80 patients Covid à 11. Alors, certes, il doit y avoir plusieurs raisons, mais l’effet du vaccin peut être l’une d’elles. »

Dans ce cas, comment expliquer que des soignants montluçonnais rechignent encore à tendre le bras ? « La question a été posée en réunion de crise », note la directrice. Alors ? 

« Il y a ceux qui de toute façon sont opposés au vaccin, ceux qui attendent de voir comment ça se passe pour les premiers volontaires et ceux qui hésitent, qui ont peur. »

À Vichy, Jérôme Trapeaux, directeur d’établissement, dresse le même constat. « Il y a les personnes réticentes et les convaincues. Les professionnels hospitaliers sont des citoyens comme les autres. »

D’abord réservée aux plus âgés et à ceux présentant des facteurs de comorbidités, la campagne de vaccination s’adresse à tous les soignants, sans distinction mais des disparités apparaissent d’un métier à l’autre. « Plus on s’éloigne du soin et plus les agents ont du mal à voir l’intérêt de la vaccination, analyse Didier Aguilera qui est pour la rendre obligatoire. C’est un problème de responsabilité. »

AstraZeneca... « Il a fallu souvent dialoguer »

À Moulins, le doute à propos de l’efficacité de l’AstraZeneca a entravé la marche en avant de la vaccination au centre installé à la salle des fêtes. Utilisé pour vacciner en priorité les soignants de plus de 50 ans et/ou présentant des commorbidités, ce vaccin a suscité méfiance ou réticence, retrace la coordinatrice de la Communauté territoriale de santé (CPTS) Nord Allier, Isabelle Domenech-Bonet : « Alors il a fallu souvent dialoguer, expliquer, convaincre… Et puis, des études sur l’AstraZeneca ont levé les doutes en prouvant l’efficacité de ce vaccin. Les personnels de santé ont pu également vérifier par eux-mêmes qu’il n’y avait aucun problème avec l’AstraZeneca chez leurs collègues qui avaient déjà été vaccinés. »

Temporairement suspendu la semaine dernière, ce vaccin est désormais recommandé par la Haute autorité de santé chez les 55 ans et plus. Les professionnels de santé plus jeunes bénéficient donc d’un autre produit. « Ce n’est pas l’AstraZeneca que nous utilisons, mais Pfizer et Moderna. »

Textes : Ariane Bouhours, Estelle Dissay, Antoine Delacou et Luc BarrePhotos d'archives : Dominique Parat et Florian Salesse