En Haute-Vienne et en Creuse, ils se soignent en faisant du « sport sur ordonnance »

Les gymnases et les salles de sport sont fermés depuis plusieurs mois en raison de la crise sanitaire. Seuls les publics « prioritaires » ont accès à ces équipements : sportifs professionnels, personnes en situation de handicap et patients détenant une prescription médicale. En Haute-Vienne et en Creuse, les personnes qui bénéficient du « sport sur ordonnance » y trouvent des bénéfices à la fois pour le corps et le moral.

« C’est mon deuxième traitement. C’est incroyable les bienfaits sur la santé. » Malgré les douleurs, Jacqueline ne rate pas sa séance hebdomadaire de gym douce organisée par l’association Rondisport 23. Cela fait six ans que cette Creusoise est « resoignée » pour un cancer.

Elle vient chaque mardi au gymnase Fayolle, à Guéret, pour une séance collective d’activité physique adaptée. « C’est une aide énorme : pour la tête, le corps et le squelette. Je suis plus détendue, plus oxygénée quand je rentre à la maison. J’ai très mal vécu le premier confinement, le fait de ne pas pouvoir sortir. »

Des sourires malgré la fatigue

Travail cardio, renforcement musculaire, équilibre, coordination… Les exercices sont variés et se font en musique pour plus de convivialité. « Je m’adapte à chaque personne. Je propose le même exercice mais chacun va à son rythme », indique Jean-Christophe Coudreau, éducateur sportif à l’UFOLEP qui anime le cours. « Ça n’est pas la performance qui compte, confirme Jacqueline. Le peu que je fais, c’est bien. Pour moi, il y a surtout l’effet de groupe qui est bénéfique. J’ai besoin de ce contact. Il y a quelques années, les gens qui avaient un cancer restaient dans leur coin. Pour le mental, ça ne devait pas être facile tous les jours… »

À la fin de la séance, les participantes ont le sourire malgré la fatigue. « On est vivantes », glisse Marianne, qui suit elle aussi un traitement contre le cancer. « C’est une pause dans la maladie et dans la crise sanitaire », ajoute Anne, qui est en rémission.

C’est la Ligue contre le cancer qui finance ces cours de gym, qui font partie des soins de support. Ces séances en intérieur sont réservées aux personnes qui ont une prescription médicale “sport santé”. « Nous avons de la chance que la mairie de Guéret accepte de nous chauffer cette salle », note Corinne Tétany, présidente de Rondisport 23. Créée à l’origine pour le suivi de la chirurgie de l’obésité, l’association propose aussi de la marche nordique.

Basée à Limoges mais présente via ses « passerelles sport-santé » sur l’ensemble de l’ancienne région limousine, l’association Limousin sport santé* œuvre, elle aussi, à rendre le sport-santé plus accessible. Véritable « relais », comme la qualifie son président Patrice Virot, cardiologue, elle a ainsi pour mission « de faciliter auprès des médecins la prise en charge de leurs patients pour une activité physique adaptée ».

« L’association a été créée en 2015 sur la demande de l’agence régionale de santé et de la direction régionale de la jeunesse et des sports, retrace Patrice Virot. C’était l’année qui précédait la loi pour prescrire du sport sur ordonnance. On nous a demandé de servir de relais entre les médecins de toute la région ex-Limousin et les associations sportives qui peuvent accueillir des gens pour faire du sport-santé et donc notre façon de travailler a été de créer des “passerelles sport-santé” [aujourd’hui au nombre de dix-sept sur les trois départements, N.D.L.R.]. Dans ces passerelles, un éducateur formé au sport-santé reçoit des personnes adressées par les médecins. Ces personnes sont évaluées lors d’un premier rendez-vous individuel d’une heure et ensuite elles sont prises en charge en groupe pendant environ trois mois, une fois par semaine, pour les remettre en forme. Le but, c’est qu’à la fin des trois mois, elles aient choisi une association ou un club sportif pour continuer une activité physique. »

Depuis 2015, près de 1.500 personnes « qu’elles soient sédentaires, qu’elles aient des facteurs de risque ou porteuses de maladies chroniques », avance Patrice Virot, ont ainsi accédé aux passerelles « entièrement gratuites » de LSS (à noter qu’à la sortie des passerelles, 53 % des personnes continuent une activité physique adaptée selon l’association).

En situation d’obésité, Emma, 35 ans – « et il faut dire mon âge, car il n’y a pas que de personnes âgées », rigole-t-elle – suit ainsi depuis plusieurs mois des séances auprès de Limousin sport santé à Limoges. Des séances à base de circuits mêlant cardio, étirement, renforcement musculaire… « Je ne faisais pas de sport avant, explique-t-elle. Alors que là, le fait d’avoir un rendez-vous, que cela soit fixe, de devoir s’habiller, d’être avec d’autres personnes, c’est vraiment tout un processus qui nous encourage à le faire et on a vu lors du dernier bilan que j’avais progressé. »

Annie, qui « n’a jamais été une grande amoureuse du sport », se sent également « mieux » depuis qu’elle a débuté la passerelle. « Avec l’âge, on finit par se démuscler et il y a aussi une grosse perte d’équilibre. »

« On est vraiment sur de l’éducation, intégrer une routine d’activité dans le quotidien. C’est un apprentissage corporel et mental pour faire comprendre qu’il y a derrière un réel bien-être, que c’est pour leur santé », explique Marion Bertin, éducatrice APA au sein de l’association LSS.

« L’activité physique adaptée est un réel traitement, préventif pour certains mais c’est un traitement curatif pour d’autres, démontré dans de nombreuses études. Cela fait partie des thérapeutiques essentielles », appuie Patrice Virot.

Certaines salles de sport privées sont ouvertes aux patients

Certaines salles de sport privées sont accessibles en ce moment pour l’activité physique adaptée. C’est le cas du Ladies studio, à Guéret, qui ouvre ses portes quelques heures par semaine. « Il y a un réel besoin mais beaucoup de gens ne savent pas que ce dispositif de sport sur ordonnance existe, regrette la coach Sandra Méritet. Je pense aussi que les médecins ne jouent pas forcément le jeu. »

Elle est convaincue des bienfaits du sport « sur le plan physique et psychologique ». « Pour les personnes qui ont une maladie chronique, cela permet de garder de l’autonomie », cite-t-elle en exemple.

« Le fait d’être intégrée avec d’autres personnes, ça m’a redonné une force incroyable... »

« Pour moi, ça a été une petite lumière dans la nuit », témoigne Marie**, Creusoise de 62 ans qui fréquente le Ladies studio depuis septembre 2018. Atteinte de sclérose en plaques, maladie dégénérative diagnostiquée en 1977, elle vient chaque semaine faire un circuit training sur différentes machines, en suivant les conseils de la coach.

« Le fait d’être intégrée avec d’autres personnes, ça m’a redonné une force incroyable, confie-t-elle. Cette ambiance chaleureuse nous tire vers le haut. » Avec la crise sanitaire, Sandra privilégie les séances en individuel. Les participants y perdent au niveau de l’ambiance, mais les bienfaits sur la santé sont toujours là.

« Avant le cours, je suis toute courbée. Après, je me tiens plus droite, indique Marie, qui se déplace avec des béquilles. Tout ce qui est conservable, il faut le conserver. » La sexagénaire ne prend pas de traitement médical. Elle est persuadée qu’elle serait en fauteuil roulant si elle arrêtait l’activité physique.

(*) En Haute-Vienne, outre Limousin sport santé, le centre Villa sport à Saint-Yrieix-la-Perche est également labellisé “Maison sport-santé” (MSS) depuis janvier 2020. Mais suite à la crise sanitaire, celui-ci est pour l’heure en « fermeture totale » : « Il n’est pas envisageable aujourd’hui et pour diverses raisons de remettre en service une structure telle que la nôtre sans pouvoir accueillir l’ensemble des publics », explique la direction.

(**) Le prénom a été modifié à la demande de la personne.

 

Catherine Perrot et Jean-Adrien Truchassou Photos : Stéphane Lefèvre et Bruno Barlier