Maîtres-chiens, vidéo-protection, fermetures... Comment Aurillac veut mettre fin au fléau des violences en sortie de discothèque
Chaque week-end, le secteur de la place Gerbert, ses deux boîtes de nuit et ses nombreux bars concentrent plusieurs centaines de jeunes. Haut lieu des nuits d'ivresse d'Aurillac et du Cantal, c'est aussi le théâtre de violences ritualisées.
La place Gerbert, aux portes du centre-ville d'Aurillac, va-t-elle opérer sa mue ou est-elle condamnée à rester sur cette crête, entre le premier lieu de fête du Cantal et le terrain des violences les plus crues de ces dernières années ? Les années passent et creusent le fossé entre les mesures et la réalité. Coup sur coup, ces deux derniers mois, la mort a éclairé d'une lumière crue cette évidence : sortir en discothèque peut tuer.
Blessé dans une bagarre en sortie de discothèque à Aurillac (Cantal), un homme est mort
Avant le drame du 1er décembre, devant le Bateau lavoir, un jeune homme a perdu la vie à Naucelles le 12 octobre, après être sorti, ivre, du Zinzin, de l'autre côté de la Jordanne. En août, trois Aurillacois de 20, 23 et 27 ans ont été condamnés à de la prison ferme pour avoir passé à tabac un homme de 26 ans. La scène fut d'une violence inouïe, devant le Zinzin. Remontons à 2017, le 9 juillet, une rixe avec une cinquantaine de personnes explosait place Gerbert. Deux mois plus tard, une femme était violemment frappée sur la piste de danse du Bateau lavoir qui fermera durant trois semaines après qu'un jeune homme a porté plainte pour des coups au visage. La liste est aussi longue qu'une nuit d'ivresse.
« Depuis trois mois, il y a une dégradation de la situation », constatait le maire (PS) d'Aurillac Pierre Mathonier, jeudi 12 décembre, lors d'une conférence de presse. Le drame du 1er décembre place l'édile dans une situation délicate. Sommé de réagir par des centaines de commentaires dans les heures qui ont suivi cette bagarre mortelle, il a convoqué une réunion d'urgence à laquelle ont participé les pouvoirs publics. « Je ne jouerai pas à c'est pas moi c'est l'autre », écarte-t-il, tout en refusant de supporter le poids de cette responsabilité de la violence ritualisée des nuits aurillacoises.
« La mairie est responsable de la prévention de la délinquance, et l'État de la sécurité »
Le soir de la bagarre mortelle, le maire avait, dans un post Facebook, dénoncé un « règlement de comptes » entre « deux belligérants ». Des propos qu'il maintient, parlant d'un « motif brumeux ». L'enquête judiciaire, elle, exclut l'idée que les deux hommes se connaissaient avant la soirée. Le climat nocturne, à quelques mètres de la préfecture du Cantal, « appelle à ce qu'une sanction administrative soit prise », par la préfète, justement. Dans le viseur, le Zinzin, devrait bientôt être fixé. Il émet toutefois des réserves sur les dates, préférant que les fermetures s'opèrent en janvier plutôt que durant les fêtes.
Des mesures et un chantierIl ressort des concertations, plusieurs mesures qui illustrent toute l'étendue de ce chantier. Les caméras, déjà nombreuses place Gerbert, seront réorientées ou déplacées. Une proposition a été faite aux gérants de bars et discothèques de se réunir en association « pour mener un travail de prévention et de médiation ». Ces derniers s'étaient mis en grève samedi 7 décembre, en signe de protestation. Ils pourraient se doter d'un maître-chien, dans leurs établissements, le week-end. Une mesure qu'adoptera aussi la police municipale qui pourrait augmenter sa présence dans le secteur. Il est également question de réactiver la charte de la vie nocturne, signée en 2013, « qui s'est un peu endormie ».Quant aux policiers, leur « travail remarquable » salué par l'élu socialiste, ne masque pas les manques d'effectifs.
Le commissariat est dimensionné à la délinquance aurillacoise, mais le samedi soir, la population est celle de tout le Cantal.
Refusant d'endosser la responsabilité des rixes, il tente le périlleux exercice de défendre la place forte des fêtes nocturnes tout en sachant que « le risque zéro n'existera jamais ».
« Une maman inquiète »Début décembre, une lettre manuscrite était adressée à La Montagne. Elle faisait suite à la bagarre mortelle, devant le Bateau lavoir. « Je voulais informer qu'au même moment, à quelques rues de là, mes enfants et leurs cousines se faisaient agresser par une bande de jeunes voyous (...) en boîte de nuit. Un de mes fils a fini aux urgences, blessé à la tête par une "ceinture à clous". Doit-on avoir peur de sortir dans notre petite ville d'Aurillac, le samedi soir ? » Elle était signée par « une maman inquiète ».
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Attaqué sur sa droite par le futur candidat (LR) aux municipales Jean-Antoine Moins, qui, suite à la bagarre mortelle, assurait que « le maire d'Aurillac se rend coupable, volontairement aveugle et sourd », Pierre Mathonier l'a accusé de souffler sur les braises de l'émotion : « Dire que sur la sécurité on n'a rien fait, c'est ne rien connaître. Et surfer sur la situation n'est pas digne de quelqu'un qui veut devenir maire. »
Malik Kebour