Dérèglement climatique : comment la Ville de Thiers (Puy-de-Dôme) souhaite sécuriser sa ressource en eau

Dans la perspective du dérèglement climatique qui s’est déjà fait sentir cet été, la Ville de Thiers doit penser à sécuriser sa ressource en eau potable.

Les pluies de l’automne balayent la crainte de la sécheresse qui a inquiété tout l’été. Mais elles ne doivent pas noyer cette question : la ressource en eau est de plus en plus tendue, d’années en années. L’arrêté préfectoral de restriction de l’usage de l’eau dans le Puy-de-Dôme, en vigueur cet été, a été levé le 6 novembre.

Mais la vigilance reste de mise. À Thiers, fin septembre, lors du conseil municipal, un chiffre a été prononcé : 80. C’était le nombre de jours d’eau potable que la population de la ville avait devant elle avant une coupure. Aujourd’hui, c’est heureusement plus.

L’eau potable à Thiers : comment ça marche ?

La ville de Thiers est approvisionnée par deux principales productions d’eau. Le barrage de la Muratte, situé à Palladuc, est alimenté par l’eau de la Credogne et des Etivaux. Ces eaux sont traitées en aval, par la station de traitement de Chassignol, qui reçoit aussi l’eau de Montsauvy. La deuxième production d’eau se trouve dans le bas de la ville. Il s’agit des trois « puits de Felet » côté rive droite de la Dore, qui pompent dans la nappe alluviale une eau filtrée naturellement par les sédiments. Le barrage de la Muratte permet de stocker de l’eau pour surmonter les périodes estivales. En temps normal, environ deux tiers de la fourniture d’eau provient de Chassignol et un tiers de Felet. Mais le rapport s’inverse pendant l’étiage. Deux autres petits réseaux, Membrun et Pont-Bas alimentent ces lieux-dits. Toute cette eau est acheminée par 173,6 kilomètres de tuyaux.

La ressource en eau est de plus en plus tendue

2003, 2005, 2014, 2016, 2018, 2019 : ce sont les récentes années de sécheresse que la ville a connues. Avec les deux derniers étés, coup sur coup. « Cette année a été très compliquée, honnêtement, expose Thierry Barthélémy, adjoint au maire. On n’avait pas eu beaucoup d’eau à l’automne, ni à l’hiver, ni au printemps. Donc les réserves n’avaient pas été rechargées. »

Le niveau du barrage de la Muratte, très bas, a été préoccupant l’été. Mais pas au point de mettre en place des coupures d’eau ni des solutions d’urgence. « S’il n’y avait plus d’eau dans le barrage, projette-t-il, il faudrait en acheter à nos voisins ou installer une station mobile de traitement de l’eau dans l’étang du « trou du golf » à Iloa (comme ce fut le cas il y a quelques années avant que des travaux soient réalisés sur le barrage de la Muratte). Mais ces alternatives ont un coût. »Barrage de la Muratte.

Thierry Barthélémy est bien conscient que cette année ne sera pas un cas particulier et que ce sont des solutions pérennes et non d’urgence qu’il faut trouver.

« On sait qu’avec le changement climatique, il va y avoir des modifications importantes. La baisse du niveau dans nos cours d’eau va avoir un impact fort sur nos ressources. Il faut en tenir compte dans notre vision à long terme pour les sécuriser. Il faut commencer à s’y préparer dès aujourd’hui. »

D’autant que, rappelle-t-il, « l’eau sert aussi aux industries, aux entreprises. Il ne s’agit pas seulement de prendre une douche et de remplir sa carafe. »

Les mesures envisagées pour faire face à l’amenuisement des ressources

La première est de favoriser les interconnexions entre les réseaux des différentes communes, notamment le réseau thiernois avec le syndicat Rive droite de la Dore. Lui-même est connecté à d’autres réseaux. « Avec toutes ces interconnexions, on serait en capacité d’aller rechercher de l’eau de l’Allier », indique l’adjoint. C’est une solution contre les pollutions, les problèmes techniques et aussi contre les sécheresses même si elle aura ses limites en cas de pénurie d’eau générale.

Une autre mesure, mais envisagée à moyen terme, concerne les puits de Felet. Auparavant, il existait d’autres puits de captage sur la rive gauche, mais ils ont fermé parce que les analyses de l’eau n’étaient pas bonnes. Ils pourraient rouvrir à condition de créer une station de traitement. Ce qui nécessiterait de lourds investissements.

Et parce que la meilleure économie d’eau est d’abord celle qu’on ne consomme pas, il serait judicieux que les usagers s’habituent à baisser leur demande. Or il a justement été observé qu’à Thiers, la consommation d’eau augmentait en temps de restriction. 3.000 m3 d’eau par jour ont été consommés sur la commune cette année pendant la sécheresse, au lieu de 2.300 m3 en moyenne. 

Investissements Sécuriser la ressource en eau, c’est aussi améliorer la qualité du réseau. À ce titre, 801.923 € ont été investis en 2018 et 779.114 € en 2019.

En chiffres

173,6 kilomètres de réseaux d’eau potable pour alimenter Thiers. 5.094 abonnés (en 2017). 123,48 m3 : la consommation annuelle moyenne des abonnés (2017). 80,1 %, le rendement du réseau, c’est-à-dire le volume d’eau produit et facturé. Le différentiel est assimilé à des fuites (même s’il comprend aussi l’eau utilisée par les sapeurs-pompiers). Ce rendement est conforme à ce qui est demandé par l’Agence de l’eau. 144.000 m3 : la pleine capacité du barrage de la Muratte.

Alice Chevrier