Agnès Grossmann à Clermont-Ferrand : «Le monde avant #MeToo», ces photos sexistes qui ne passent plus
Le regard de la société sur les violences sexuelles a beaucoup évolué en vingt ans et tout récemment encore avec le mouvement #MeToo. Pour Agnès Grossmann auteure du «Monde avant #MeToo», lutter contre les agressions sexuelles, c'est aussi lutter contre les représentations machistes de notre société.
Lorsqu'on feuillette Le Monde d'avant #MeToo d'Agnès Grossmann (21,90€ aux éditions Hors Collection), on est pris d'un certain malaise. Les photos qu'on y voit - des femmes dénudées dans des poses plus ou moins équivoques, appuyées de slogans tout aussi machistes- sont pour la plupart issues de campagnes publicitaires ( pour des voitures, des vêtements, des barres chocolatées), ou tirées de films... qui n'ont choqué personne ou presque à leur sortie alors qu'elles nous heurtent profondément aujourd'hui.
Avant Le monde avant #MeToo paru, Agnès Grossmann a écrit Les blondes de l'histoire et Les salopes de l'histoire.
"Pour moi il y a un avant et un après l'affaire Weinstein, un monde avant et un après #MeToo. Plus que l'affaire Harvey Weinstein elle-même, ce qui m'a choquée c'est comment autour de lui tout le monde trouvait ce qu'il faisait normal. Comment on infuse dans nos têtes que les hommes peuvent tout avoir et se comporter en prédateur sexuel. Selon moi, lutter contre les agressions sexuelles, c'est aussi lutter contre les représentations machistes de notre société", explique Agnès Grossmann qui était l'invitée la semaine dernière des Journées Nationales de la Fédération des Centres Ressources pour les intervenants auprès des auteurs d'agressions sexuelles.
"Conditionnés pour assimiler la virilité à la domination, les hommes sont montrés comme des surhommes qui soumettent des femmes déshumanisées, habillées comme des prostituées, ravalées au rang de sex toys", écrit Agnès Grossmann dans Le monde d'avant #MeToo
Dans Le monde avant #MeToo, Agnès Grossmann décrypte ainsi 100 images de la pop culture, "des images qui ne seraient plus possibles aujourd'hui".
"La féminité, comprendre ce que c'est d'être une femme, m'a toujours intéressée, dit-elle. La passivité accolée à la femme, et l'action à l'homme, ça m'a toujours dérangée comme le fait que les femmes obéissantes et dociles ont toujours plus de succès que les autres même si c'est en train de changer. Quand je me disputais avec mes frères, ils me criaient "Sois féminine! ". En fait, ça voulait dire "tais-toi". Et encore aujourd'hui, être une femme qui pense n'est pas toujours bien acceptée".
(*) En octobre 2017, Le New York Times et le le New Yorker faisaient éclater l'affaire Weinstein, du nom d'un producteur de cinéma américain très influent. Dans leurs articles, une douzaine d'actrices accusaient Harvey Weinstein de les avoir harcelées et agressées sexuellement, les menaçant de nuire à leur carrière. Au final une centaine de femmes décriront les mêmes scènes et quatorze affirmeront avoir été violées. Dans la foulée, le mouvement #MeToo est lancé et libère la parole des femmes sur Internet.
Géraldine Messina
geraldine.messina@centrefrance.com