Trois migrants quittent la Haute-Loire pour commencer un stage chez Michelin à Clermont-Ferrand
Safiollah, Mehrtash et Mefhawi quittent le centre d'accueil de demandeurs d'asile Léo-Lagrange, à Brioude. Direction Clermont-Ferrand où ils ont décroché une formation à l’usine Michelin.
« Entrer chez Michelin, c’est comme d’entrer à la NASA ». Serge-Pierre Mondani, maire de Saint-Beauzire, a le sens de la formule.Safiollah, Mefhawi, 26 ans, et Mehrtash, 24 ans, viennent un peu de décrocher la Lune. Arrivés respectivement d’Afghanistan, d’Erythrée et d’Iran il y a plusieurs mois, les voilà donc embauchés dans l’équivalent auvergnat de l’agence spatiale américaine.
Aptitudes en françaisEux, qui viennent d’un autre monde. Celui de la guerre, des dictatures et des libertés individuelles bafouées. Celui de la route et des passeurs aussi. « Un voyage long et cher, très dur », décrivent-ils. Saffiollaf a préféré laisser son épouse derrière lui, « c’est encore pire pour les femmes ».
Ils sont au bout d’un chemin. À la fin d’un parcours du combattant qui les a menés à Saint-Beauzire. Mehrtash s’est vu refuser sa demande d’asile par l’Allemagne. Il a laissé le reste de sa famille à Berlin, direction la France. Retoqué une première fois, son dossier a finalement été validé en appel. « Dans l’incertitude, il refusait d’apprendre le français », se souvient Raphaëlle Courtial, directrice du centre de Saint-Beauzire.
Le CAO Léo-Lagrange à Saint-Beauzire (Haute-Loire) devient centre d’accueil des demandeurs d’asile
Ce sont pourtant leurs aptitudes en français qui ont permis aux trois jeunes hommes de décrocher un stage d’un an chez Michelin pour devenir ouvrier de maintenance. Ils y seront formés en alternance avant, peut-être, d’y être embauchés.
« Le niveau de français requis par Michelin était très élevé. Ils vont travailler sur les machines, il faut un vocabulaire spécifique. Au final, 14 personnes, sur les 23 candidates ont été retenues », explique Véronique Maupoint, diretrice territoriale de l’OFII. C’est la première fois que Michelin collabore avec l’OFII.
En formation dès le 23 septembreSafiollah, Mefhawi et Mehrtash commencent leur formation le 23 septembre. Première étape, des cours de français pour se familiariser avec le langage technique à l’AFPA. L’organisme de formation se charge aussi de l’hébergement.
Les futurs apprentis doivent quitter Saint-Beauzire pour Clermont-Ferrand mais c’est un autre voyage vers l’inconnu. « Nous ne savons pas quel jour nous devons partir, ni où nous allons habiter ».
Changement de rythme de vieUne seule certitude, ils gagnent en autonomie. Ils retrouvent aussi la ville et probablement la liberté d’aller où bon leur semble. « Nous étions habitués aux grandes villes, l’arrivée ici a été difficile », explique Safiollah dont le premier emploi était d’être interprète auprès de l’armée américaine à Kaboul.
« On voudrait juste apprendre la culture française, s’intégrer »
Sans travail, les journées sont longues au centre d’accueil. Le quotidien est rythmé par les cours de français, deux à trois fois par semaine, les rendez-vous médicaux et les entretiens avec les travailleurs sociaux.
Safiollah, Mefhawi et Mehrtash réfugiés sont embauchés chez Michelin
« La navette pour aller à Brioude ne peut prendre qu’une dizaine de personnes ». Le temps s’écoule au fil des conversations sur Whatsapp et du débit de la connexion Internet. Mefhawi écoute la radio, « France Info tous les jours ». Mehrtash, supporter de Manchester United, suit le championnat anglais. Il n’a pas d’équipe préférée en France, « Mais j’aime Mbappé ».
Quelle est la première chose qu’ils feront une fois à Clermont ? Un cinéma, un resto, un match dans un bar ?Les trois jeunes hommes restent silencieux, gênés. Ils ne savent pas. « Pour le moment, on voudrait juste apprendre la culture française, s’intégrer ». Mefhawi et Saffiollah sont décidés à rester définitivement en France.Mehrtash, rêve du Canada mais toujours chez Michelin. Cela tombe bien, l’entreprise à trois usines dans le pays.
Eglantine Férey
Le dispositif Hope vise à offrir aux réfugiés des parcours de formation pour favoriser leur intégration dans la société française. L’opération est coordonnée par l’AFPA avec le soutien des ministères de l’Intérieur, du Travail et du Logement. « Le processus, pour que Michelin s’inscrive dans la démarche, a été long et a nécessité la synergie de tous les organismes. De l’AFPA, de Pôle Emploi, de l’OFII… C’est vraiment un travail collectif », explique Véronique Maupoint, directrice territoriale de l’OFII. L’inquiétude de l’entreprise résidait dans la capacité des réfugiés à maîtriser suffisamment le français pour intégrer le vocabulaire technique. Les autres partenariats établis dans le cadre de Hope avec d’autres entreprises, n’ont pas ce degré d’exigence. » Finalement, 23 candidatures ont été proposées à Michelin après repérage de l’OFII. « Ils ne devaient en retenir que 12 mais en ont finalement intégré 14. C’est donc que les profils étaient intéressants. » Hormis deux réfugiés hébergés à Grenoble, l’ensemble des candidats sont issus de centres Auvergnat, de l’Allier, du Puy-de-Dôme et de la Haute-Loire donc. À l’issue de trois mois de mise à niveau en langue, ils intégreront des entreprises Michelin dans toute la France pour être formé au métier de la maintenance. Ils ne resteront pas forcément dans la région.
Eglantine Férey