Pourquoi n'y avait-il (presque) plus de saint-nectaire à vendre cet été chez les producteurs du Puy-de-Dôme ?
Ces dernières semaines, nombreux sont les touristes ou les locaux à avoir trouvé porte close chez plusieurs producteurs de saint-nectaire de la zone AOP (Puy-de-Dôme et Cantal). Le célèbre fromage auvergnat a été victime de son succès... mais pas que.
Clermontois, Philippe va régulièrement se promener en famille dans le Sancy. Fin août, du côté de Beaune-le-Froid, il a profité de l’occasion pour aller chercher directement son saint-nectaire chez le producteur. Enfin le pensait-il. « Je suis passé chez quatre producteurs et je n’ai pu en acheter chez aucun », raconte-t-il.
L’un d’entre eux lui a même confié avoir vendu à des touristes de l’est de la France des fromages auxquels il manquait quinze jours d’affinage, en leur recommandant de les retourner chaque jour.
Des touristes présents au rendez-vousCaroline Borrel, du Gaec de la route des Caves, confirme l’engouement estival pour le célèbre fromage auvergnat. « Chez nous, la boutique de vente directe a été fermée presque tout l’été, sauf si les gens avaient réservé une semaine ou quinze jours avant », souligne-t-elle.
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Il faut dire que pour les touristes, le saint-nectaire fait figure d’incontournable à ramener dans les valises. « Pour beaucoup, cela va de soi. Et cette année, j’ai l’impression que le phénomène a été plus amplifié que l’an dernier », note Marie-Paule Chazal, directrice de l’interprofession.
Des producteurs qui ont dû prendre leurs dispositionsNombre de producteurs n’ont en effet pas pu répondre aux demandes des visiteurs, très nombreux cet été. Certains ont même dû prendre certaines dispositions pour faire face à la demande. « Je suis producteur affineur donc j’ai pu gérer mes stocks et faire le plein à la fin du mois de juin pour en avoir tout l’été », explique Jean-Paul Charbonnel du Gaec de la bonne étoile à Chastreix.
À quelques kilomètres de là, du côté de Saint-Donat, le GAEC de Bertinet, habitué « à se faire dévaliser tous les étés », a trouvé une autre parade.
« On a enlevé les panneaux au bord de la route pour limiter l’accueil à la ferme et cela nous a permis de passer le 15 août. Car si si la rupture de stock peut être valorisante, cela peut aussi faire de la mauvaise pub si les touristes repartent bredouilles plusieurs fois »
L’agriculteur a également pensé aux grossistes qui peuvent pâtir de cette situation. « Les crémiers nous suivent toute l’année donc c’est important de les livrer durant l’été, qui est une grosse période pour eux aussi », rappelle-t-il.
Une production en baisse à cause de la sécheresseLes prairies de la zone AOP, mais aussi les vaches, ont beaucoup souffert de la sécheresse cet été.Mais ce succès estival doit toutefois être tempéré. « C’est sûr que l’on a eu aucun mal à vendre nos produits cet été, reconnaît Éric Pons, du GAEC des Monts Dore, à Beaune-le-Froid. Mais c’est à relativiser car la production est en baisse cette année à cause de la sécheresse (lire ci-dessous). Les vaches ont mal supporté la canicule et la production de lait a baissé ». Entre 20 et 40 % selon les exploitations interrogées.
Des producteurs pas assez nombreux« Quand on voit ce succès, ce qui est dommage, c'est que nous nous battons pour maintenir la production », rappelle Marie-Paule Chazal. De quoi renforcer la détermination de l’interprofession à accueillir de nouveaux producteurs sur la zone AOP, avec une promesse de pouvoir vivre de son travail. « En ne faisant que du lait, on ne tirerait pas un salaire. Là, on en sort quatre même si cela demande beaucoup de travail de tout faire de A à Z », insiste Caroline Borrel.
Maxime Escot
Une sécheresse préoccupante. Après avoir limité la production de lait des vaches sur la zone, la sécheresse continue de faire des siennes. « On donne déjà le fourrage d’hiver, ce qu’on ne fait pas habituellement à cette période », déplore Éric Pons, à Beaune-le Froid. Même constat pour Nicolas Dumont, à Saint-Donat, où la pluie se fait aussi désespérément attendre. « Cela fait deux ans que ça dure, rappelle l’agriculteur. Il faut espérer que cela se calme l’an prochain car sinon, ça va devenir compliqué. »