En Haute-Loire, la rivière Allier a changé de couleur : c'est grave, docteur ?
La vidange du barrage de Poutès, en Haute-Loire, nécessaire pour réaliser les travaux d'abaissement de l'ouvrage, a entraîné les sédiments vers l'aval. Avec, au programme, une eau trouble et des dépôts sur les rives. Certains s'inquiètent déjà d'un effet de colmatage sur la rivière Allier.
Une eau trouble, foncée, des dépôts de terre fine et mouillée sur les rives : la rivière Allier ne présente pas son plus charmant visage, ces dernières semaines en Haute-Loire. Mais ce n'est pas l'aspect esthétique qui inquiète certains habitants du Brivadois : ils craignent que les sédiments, entraînés par la vidange du barrage de Poutès qui s'est achevée le 5 juin dernier, ne menacent la biodiversité de la rivière.
Un risque connu à l'avanceLors de l'assemblée générale de la fédération départementale de pêche, le chargé du projet de "nouveau Poutès" chez EDF avait prévenu les pêcheurs : même si la vidange est menée le plus lentement possible, pour garantir une bonne qualité de l'eau en aval, cette dernière va se colorer.
Mais la couleur n'est pas le seul problème.
Des dépôts sur les rivesIl y a quelques jours, la fédération départementale de canoë-kayak a publié des photographies impressionnantes sur sa page Facebook.
Certains parlent de colmatage, un phénomène défini ainsi :
La notion de colmatage est notamment utilisée quand il y a sédimentation de particules fines dans un cours d'eau relativement lent. Certaines plantes et/ou bactéries sont capables d'amorcer ou d'entretenir le biocolmatage qui va durcir le mélange de particules minérales et organiques en formant une sorte de ciment avec les graviers ou le sable du fond. Le lit peut alors se colmater, jusqu'à devenir quasiment étanche. Ce colmatage du cours d'eau empêche alors les échanges verticaux et horizontaux d'eau, respectivement entre le cours d'eau et la nappe sous-jacente, ainsi qu'avec les annexes hydrauliques quand elles existent.
Déjà, dans le rapport de l'enquête publique, le risque était évoqué en ces termes, dans l'avis "avec réserve" de la direction départementale des territoires (DDT) de Haute-Loire : "Lors de la vidange initiale du barrage, il est possible que des débits entrants trop élevés viennent augmenter le risque de transport de sable à l’aval et le colmatage".
Ce fameux colmatage des frayères et des habitats piscicoles est également évoqué dans l'avis de l'Autorité environnementale sur la reconfiguration du barrage de Poutès adopté le 7 novembre 2018. La présence de ces dépôts n'est donc pas une surprise.
La rivière touchée sur 20 kilomètres environFlorian Chopard Lallier, directeur de la fédération de pêche et de protection des milieux aquatiques estime de son côté qu'il y a "des dépôts sur les zones sans courant, sur environ 20 kilomètres en aval du barrage." Mais il se veut rassurant : "Ce n'est pas de la vase. Ce sont plutôt des particules très fines, du sable et du limon."
La fédération de pêche obligée de communiquerFortement sollicités par leurs adhérents depuis le premier week-end de juin, les services de la fédération départementale de pêche ont fini par publier un communiqué, vendredi 7 juin, qui se veut rassurant : "Nous sommes conscients de l’état de l’Allier qui est dû aux travaux de reconfiguration du barrage de Poutès. [...] Cette opération est faite sous le contrôle des services de l’Etat avec des mesures de qualité d’eau. [...] Nous allons sur le terrain constater l’état de l’Allier régulièrement."
Le conseil de la fédé de pêche "Nous conseillons aux pêcheurs de se diriger vers des zones non impactées par les travaux : Allier amont et plan d’eau. D’autres catégories d’usagers seront impactées cet été : baigneurs, canoë…"
Les analyses sont dans les clousSur le site internet du projet du "nouveau Poutès", les analyses hebdomadaires de l'eau rejetée lors de la vidange sont publiées et aucun dépassement n'a été signalé. Cette vidange et les travaux qui vont suivre sont encadrés par un arrêté préfectoral.
De son côté, la fédération de pêche a réalisé des tests : "le taux d'oxygénation est bon. Dans les zones où il y a des dépôts, ce taux est correct."
Des dégâts sur la vie halieutique ?"Je ne pense pas que les frayères de cyprinidés seront touchées, car elles sont plutôt dans les secteurs où il y a de l'herbe, estime Florian Chopard Lallier. Pour la vie halieutique, on n'est pas inquiet mais on reste vigilant."
Ceci dit, certains passionnés se désolent et assurent que 2019 sera "une année zéro". A leurs yeux, ce dépôt de sédiments aura un impact certain sur la reproduction des poissons.
La situation en voie d'améliorationLe barrage de Poutès à la fin de sa vidange, le 3 juin dernier. Photo L. Sauvadet/APS "La bonne nouvelle, c'est que la turbidité devrait s'éclaircir, promet Florian Chopard Lallier. Les 10 cm de dépôt, au prochain coup d'eau ça va disparaître. En revanche, l'eau sera un peu marron tout l'été."
Pomme Labrousse