Dans l'Allier, le cri de colère d'une mère isolée
Mère célibataire âgée de 28 ans, Marioussa Pereira a lancé un groupe de soutien destiné aux mères isolées de la région montluçonnaise. Une initiative qui vise à « donner la parole aux femmes qui luttent seules ».
« On est abandonnées, lâchées, rejetées et puis, surtout, il y a cette honte. » Derrière son indéfectible sourire, Marioussa Pereira, Bourbonnaise de 28 ans, ne mâche pas ses mots. Mère de deux enfants en bas âge, sans emploi stable, elle fait partie des deux millions de mères isolées que compte la France. Une catégorie de la population « beaucoup trop silencieuse », estime-t-elle.
« Il n’y a rien de grave à demander de l’aide »Dans l’Allier, près de 35 % des personnes en famille monoparentale vivent sous le seuil de pauvreté, soit le taux le plus élevé de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Un aspect qui participe au cloisonnement des mères célibataires ou en situation d’isolement.
Mais pour Marioussa, « la précarité ne doit pas imposer le silence ».Ainsi, la jeune femme a créé un groupe de soutien destiné aux mamans qui, comme elle, se sentent quelque peu abandonnées et déconsidérées. Si le projet se concrétise avec la création prochaine d’une association, Marioussa est en contact depuis sa première grossesse avec plusieurs femmes dans sa situation.
« Je connais des femmes qui sont épouses de militaires, de routiers, ou qui ont perdu leur travail après un accident de vie. On a toutes une histoire et un parcours différents, mais on est solidaires. »
Et c’est justement ce « manque de solidarité », voire même de bienveillance, envers les mères isolées que regrette la jeune femme. D’un côté, il y a cette « pression sociale qui vous culpabilise », de l’autre « un sentiment de honte si ancré qu’on n’arrive même pas à demander de l’aide ».
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De fait, cette situation devient rapidement une impasse. D’autant que, parfois, ce sont les familles elles-mêmes qui cultivent ce sentiment de culpabilité. « Par exemple, quand j’ai dit à certains de mes proches que j’allais parler à la presse, on m’a répondu “à ta place, on aurait honte”. On en revient toujours là, mais j’estime que je n’ai pas à avoir honte. »
Le difficile chemin vers le retour à l’emploiDe fait, sortir de l’isolement passe obligatoirement par le retour à l’emploi. Mais là encore, rien n’est simple.
Le plus difficile, c’est d’avoir des horaires de travail qui correspondent aux horaires de crèche.
Mais cette « ultra-précarisation » s’explique également par les discriminations dont font l’objet les mères seules. Une enquête réalisée en 2011 révèle que 41 % des recruteurs estiment qu’une mère célibataire serait « moins investie dans son travail » qu’un homme célibataire.
Des chiffres peu encourageants, mais Marioussa Pereira l’affirme : hors de question pour elle de se laisser abattre. Première étape pour celle qui n’a jamais décroché de diplôme : passer son bac cet été. Un moyen de doper ses chances sur le marché de l’emploi, mais aussi de donner l’exemple. « Je veux me battre contre les idées reçues, et être un modèle pour mes filles. Je ne baisserai pas les bras. »
Sid Benahmed
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