Contrats France TV/Bygmalion: de Carolis et Millot renvoyés en procès
Les anciens patrons de France Télévisions, Patrick de Carolis, et de Bygmalion, Bastien Millot, ont été renvoyés en correctionnelle dans une affaire de favoritisme sur les contrats passés entre les deux sociétés de 2008 à 2011.
La perspective d'un procès s'est concrétisée pour l'ex-PDG Patrick de Carolis et Camille Pascal, ex-secrétaire général du groupe audiovisuel, tous les deux renvoyés devant le tribunal pour favoritisme.
Ils y retrouveront Bastien Millot, qui comparaîtra pour recel de favoritisme tout comme la société de communication qu'il avait fondée, Bygmalion, actuellement en liquidation judiciaire.
La décision de renvoi, que réclamait également le parquet national financier, a été rendue le 8 juin par le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke.
"Patrick de Carolis réaffirme son innocence et conteste fermement avoir procuré un avantage injustifié à qui que ce soit au cours de sa présidence. Il sollicitera donc sa relaxe pure et simple auprès du tribunal", a réagi son avocat Me Michel Beaussier dans un communiqué à l'AFP.
Il a assuré que son client "n?a signé aucun des contrats concernés et n?a donné strictement aucune instruction en ce sens".
Cette autre affaire Bygmalion, distincte de celle - plus retentissante - des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, avait démarré en 2011 par une plainte du syndicat CGC des médias (SNPCA-CFE-CGC) pour les délits de favoritisme et de prise illégale d'intérêts.
Après un premier classement sans suite du parquet, le juge d'instruction s'est intéressé aux contrats litigieux passés par le groupe audiovisuel public avec la société de communication à partir de fin 2008 et jusqu'en 2011, pour plus d'un million d'euros en diverses prestations: veille internet, conseil stratégique, suivi du courrier des téléspectateurs... Le tout sans aucune mise en concurrence, aux yeux des enquêteurs.
A l'époque de la signature des contrats, Bastien Millot, proche collaborateur du PDG Patrick de Carolis, venait de se mettre en congé sabbatique de France Télévisions pour fonder Bygmalion en 2008.
- "Relation de confiance" -
Alors qu'il n'avait pas encore définitivement quitté le groupe audiovisuel public, "une série de prestations ont été commandées sur le fondement d'une prétendue relation de confiance mais sans mise en concurrence", résumait le parquet national financier dans ses réquisitions, dont a eu connaissance l'AFP, en soulignant les "liens anciens" entre Carolis et Millot.
Lors de l'enquête, Patrick de Carolis et Camille Pascal ont tour à tour contesté leur responsabilité dans la décision de confier les prestations à Bastien Millot, selon une source proche du dossier.
Mais selon les réquisitions, "compte tenu de leur qualité et de leurs fonctions, ils ont eu nécessairement conscience de favoriser" Bygmalion.
Les protagonistes avaient contesté leurs mises en examen devant la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation, estimant que la législation sur les marchés publics ne s'appliquait pas à une entreprise comme France Télévisions, régie par un autre régime.
Dans un arrêt du 2 juillet 2015, la cour d'appel notait que France Télévisions était "certes une société de droit privé", mais poursuivant "une mission de service public" et dont "l'État détient l'intégralité" du capital, ce qui l'obligeait à respecter "les principes de la liberté d'accès à la commande publique".
Contacté par l'AFP, Pierre-Olivier Lambert, avocat du syndicat, s'est dit "très satisfait" par la perspective d'un procès des "responsables d'un système opaque d'attribution des marchés publics au sein de France Televisions".