Cannes: un vent venu de l'Est pourrait emporter la Palme
A la veille du palmarès, les films allemand "Toni Erdmann", américain "Paterson" et roumain "Baccalauréat" faisaient figures, samedi, de favoris d'un Festival de Cannes riche en portraits de femmes et inspiré par le surnaturel.
Le jeu restait toutefois ouvert samedi avec l'entrée en compétition de "Elle" de Paul Verhoeven et "Le Client" d'Asghar Farhadi, bien accueillis par la presse. Retour sur cette 69e édition illuminée de stars, où des garçons ont fait des doigts d'honneur et des filles marché pieds nus sur le tapis rouge.
- Des favoris, mais pas trop -
Premier film allemand en compétition depuis "Rendez-vous à Palerme" de Wim Wenders en 2008, "Toni Erdmann" de l'Allemande Maren Ade, 39 ans, a été la première bonne surprise du festival, déclenchant les fous rires des festivaliers. Le film, qui confirme un renouveau du cinéma allemand, raconte comment un père tente d'aider sa fille obsédée par son travail à trouver un sens à la vie. Il a les faveurs des pronostiqueurs pour la Palme d'or.
"Paterson" de l'Américain Jim Jarmusch est aussi un prétendant au titre. Ode au ralenti et à la banalité du quotidien, le film a ému les festivaliers grâce à la prestation d'Adam Driver en chauffeur de bus poète. Le nom de l'Américain est d'ailleurs cité pour le prix d'interprétation masculine.
Bien représenté cette année avec deux longs métrages, le cinéma roumain pourrait aussi être primé avec le très apprécié "Baccalauréat", où Christian Mungiu, Palme d'or en 2007, sonde avec acuité les compromissions et la corruption dans son pays, ou encore avec "Sieranevada" de Cristi Puiu.
Autre réalisateur "palmable", le Britannique Ken Loach qui, avec une rage intacte à 80 ans, dénonce dans "Moi, Daniel Blake" la casse sociale en suivant la descente aux enfers d'un menuisier au chômage.
D'autres titres n'ont pas laissé la critique insensible: "Julieta", portrait vibrant d'une femme en souffrance de l'Espagnol Pedro Almodovar, "Aquarius" du Brésilien Kleber Mendonça Filho, mais aussi "Loving", la belle ode à la tolérance signée l'Américain Jeff Nichols. Sans oublier "Ma Loute", la comédie burlesque, déjantée... et cannibale du Français Bruno Dumont, avec Fabrice Luchini et Juliette Binoche.
- Actrices et héroïnes -
Riche en héroïnes, le Festival a été marqué par quelques brillantes performances d'actrices dont plusieurs peuvent prétendre, dimanche soir, au prix d'interprétation. Un sacre est possible pour la Brésilienne Sonia Braga, qui campe une sexagénaire indépendante et tenace face à un promoteur immobilier dans "Aquarius", ou pour l'actrice irlando-éthiopienne Ruth Negga, épouse noire d'un couple mixte dans "Loving".
Plusieurs autres actrices pourraient inscrire leur nom au palmarès cannois, dont l'Allemande Sandra Hüller en jeune femme d'affaires dans "Toni Erdmann", la Britannique Hayley Squires, émouvante mère célibataire au chômage dans "Moi, Daniel Blake", ou l'Espagnole Emma Suarez dans "Julieta", qui campe avec subtilité une mère désespérée.
Sans oublier Sasha Lane, qui interprète la jeune héroïne pleine d'énergie d'"Americain Honey", l'Américaine Kristen Stewart dans "Personal Shopper", Marion Cotillard, femme en mal d'amour de "Mal de Pierres" ou Adèle Haenel en médecin rongé par la culpabilité de "La Fille inconnue".
- Pieds nus et doigts d'honneur -
Millésime plutôt tranquille, qui s'est déroulé sans scandale ni polémique majeurs, et sous un ciel clément, le Festival aura eu son lot de stars, de glamour et d'excentricités.
George Clooney et Julia Roberts, complices comme jamais, le roi Steven Spielberg, Russell Crowe et Ryan Gosling comme larrons en foire, Sean Penn, Javier Bardem, Juliette Binoche, Marion Cotillard, Charlize Theron, Léa Seydoux, Isabelle Huppert ou encore la prometteuse américaine Elle Fanning, 18 ans, ont foulé le tapis rouge.
Côté extravagances, on retiendra celle de Julia Roberts qui, pour sa première venue à Cannes, a bravé le code vestimentaire en montant pieds nus les célébrissimes 24 marches du Palais des festivals.
Moins subtil, le rockeur américain Iggy Pop, toujours aussi dépoitraillé, a gratifié la Croisette de deux doigts d'honneur. Il faut croire que ce geste est tendance cette année à Cannes puisque, comme lui, Jim Jarmusch, Viggo Mortensen et Fabrice Luchini ont tendu leur majeur vers l'azur.