Aurélien Pradié, le pari audacieux de la droite populaire
"Qu'est-ce qui fait que depuis 15 ans on a oublié la droite populaire?" Vendredi devant des étudiants de Science-Po Bordeaux, l'ancien numéro 2 justifie longuement sa position: "Je ne suis pas du tout en train d'égarer la droite mais de lui rappeler ce qu'elle a été quand elle a gagné".
Son déplacement, prévu de longue date, ne passe pas inaperçu, une semaine après son éviction par Eric Ciotti, que l'intransigeance de son second sur les carrières longues a exaspéré dans le débat sur les retraites.
"Je me suis fait entendre, c'est peut-être une raison du problème", estime le député du Lot après une semaine "pas particulièrement agréable".
"Il a agi plus par ambition personnelle pour une visibilité médiatique que sur le fond même de la réforme", affirmait mercredi le sénateur LR Stéphane Le Rudulier.
Car certains prêtent de grandes ambitions au député de Lot, élu depuis 2017 sur cette terre de gauche. "Il pose des jalons" dans l'optique d'une candidature à la présidentielle, affirme un proche d'Eric Ciotti.
Le président de LR compte faire désigner comme candidat Laurent Wauquiez, aujourd'hui le meilleur espoir d'une droite exsangue.
Le député de 36 ans, qui compte "rester fidèle à LR" et "ne pas alimenter la division", balaie les spéculations d'un "je suis beaucoup plus simple qu'il n'y paraît". Mais celui qui, "un peu superstitieux", n'avait jamais visité l'Assemblée nationale avant de devenir député, reconnaît qu'il n'a pas visité l'Elysée non plus - "n'y voyez pas de lien", précise-t-il.
Parmi la petite centaine d'étudiants venus l'écouter vendredi, Alexandre d'Halluin, 20 ans, voit en Aurélien Pradié "une voix intéressante, attachée à l'ouverture. Il est ambitieux, sa jeunesse et la voix qu'il porte sont une chance pour le parti".
- "Niche électorale"-
"Ce que vous cherchez, c'est la division!", lance toutefois un spectateur de la réunion publique qu'il tient, quelques heures plus tard, à Pessac. "Ca me gêne énormément de vous avoir vu encouragé par la Nupes" à l'Assemblée nationale, ajoute un autre.
La salle est cependant acquise à sa cause et l'applaudit plusieurs fois, alors qu'Aurélien Pradié se justifie à nouveau. "Merci de ne pas faire que du ciottisme", intervient un spectateur. "Je vous félicite pour vos convictions", ajoute une autre. De quoi conforter le député dans l'idée qu'il n'est "pas tout seul".
S'il est soutenu par plusieurs députés, Aurélien Pradié reste cependant peu connu du grand public, rappelle Frédéric Dabi de l'Ifop.
"Il a sans doute marqué des points" dans la séquence retraites, "mais le chemin est très long pour qu'il devienne une personnalité de droite incontournable", affirme-t-il.
Et son positionnement le place "sur une niche électorale", estime M. Dabi, d'autant plus exposée qu'elle crispe l'aile libérale de LR attachée à la maîtrise budgétaire.
"Il est aujourd'hui audible car le +quoi qu'il en coûte+ est passé par là", estime Othman Nasrou, premier secrétaire général délégué du parti. Mais "de la droite populaire à la droite populiste qui se contente de dire aux gens ce qu'ils ont envie d'entendre, il n'y a qu'un pas", avertit-il.
Reste que la droite, qui a fait 4,8% à la présidentielle, parle surtout aux retraités et aux classes aisées. Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007, "elle a reculé sur les actifs, les classes moyennes, qui sont partis au Rassemblement national", note Bernard Sananes de l'institut Elabe.
Avec son discours émaillé de références aux "Français qui travaillent dur" et d'allusions à son frère boulanger, Aurélien Pradié avertit: "si on ne va pas à la conquête d'électeurs à qui on ne parle plus, la prochaine fois on fera 3% à la présidentielle!".
Attendre la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron pour espérer rafler la mise, prévient-il, "c'est une logique de rentier".