Législatives: Philippe prend du poids dans la bataille
Fidèle à son mantra - "loyal mais libre" -, l'ex Premier ministre a encore clamé mardi au Figaro que son "seul objectif" à ce jour était "d’assurer au pays une majorité stable, solide et cohérente avec le programme" d'Emmanuel Macron.
Attendu mercredi matin en soutien d'une figure de l'aile gauche du gouvernement, le ministre des Affaires européennes Clément Beaune, en ballottage défavorable à Paris, M. Philippe s'affiche en chef de file exemplaire. Il a ainsi sillonné la France pour chanter les louanges des uns et des autres, et distribué ses uppercuts à la gauche, comme mardi en petit-déjeuner de la majorité, épinglant les "coups marketings de Jean-Luc Mélenchon".
Pourtant, Édouard Philippe "a intérêt à ce qu'on ait une majorité large, mais pas trop non plus", grince une conseillère, en notant que le maire du Havre est "forcément renforcé" par la situation.
Car alors que se dessine le spectre d'une majorité relative pour le camp présidentiel, l'apport du contingent philippiste est charnière à double titre: numériquement et politiquement. De quoi conforter les ambitions de M. Philippe, dont les relations avec M. Macron et son entourage sont branchées sur courant alternatif à mesure que le maire du Havre fortifie sa petite entreprise politique, avec une fenêtre sur 2027.
"Si on peut jouer la balance" à l'Assemblée, "ça nous arrangerait...", confirme un cadre du parti Horizons, en visant une trentaine de députés élus au final.
"On va avoir un groupe assez fourni qui va nous permettre de peser dans les choix", se réjouit un autre, affirmant que ce rapport de force contraindra les marcheurs à "travailler de façon plus collégiale".
M. Philippe est aussi servi par la configuration politique: alors que la gauche, réunie dans la Nupes, fait pour l'instant bloc, le champ d'élargissement pour le camp Macron se trouve plus que jamais sur la droite. Un espace qui pourrait même être vital en cas de majorité relative.
Recruteur à droite
"Ces élections du printemps 2022 marquent une nouvelle étape de la recomposition politique", veut croire un proche de M. Philippe, en rappelant que "le centre droit a été essentiel" dans les scrutins de ces cinq dernières années.
Conséquence: "On va devoir faire du centre droit à l'Assemblée", observe une conseillère de l'exécutif, ajoutant qu’Édouard Philippe "voit que tout cela va dans le sens de son histoire à lui".
Dans ce contexte, Horizons espère toujours jouer le rôle de recruteur à droite, à l'image de l'appel aux "députés LR" lancé dimanche soir sur franceinfo par le maire de Reims Arnaud Robinet, afin qu'ils répondent "favorablement à la main tendue qui peut leur être proposée pour accompagner les réformes dont la France a besoin". "Et je les invite à rejoindre un sas, qui est celui d'Horizons autour d’Édouard Philippe", a-t-il opportunément poursuivi.
En gage donné à la droite, M. Philippe a choisi de faire d'un de ses marqueurs l'aboutissement de la réforme des retraites telle que promise initialement par Emmanuel Macron, avec un report de l'âge de départ à 65 ans.
Or, "on a été dans le flou le plus total depuis le 1er tour de l'élection présidentielle" sur ce sujet, a déploré M. Robinet, en évoquant les idées de "référendum", de "retraite à 64 ans, voire 63 ans" qui ont circulé dans l'entourage du président.
Doté d'un levier de négociations à l'Assemblée et déterminé à faire vivre ses idées, M. Philippe devra sans doute essuyer d'autres procès en duplicité. Et d'autres éruptions de tensions avec le président.
"Il va être le poil à gratter, l'opposition interne de la majorité", a ainsi prédit mardi sur Radio J l'ancien premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis.
"Après, l'énervement, les noms d'oiseaux, les mauvais traitements, ce n'est pas mauvais pour Édouard Philippe", souligne un de ses amis, "car ça te met au centre du jeu".