Italie: le plan de relance en suspens sur fond de crise politique
Après moult tiraillements au sein du gouvernement, l'Italie s'apprête à adopter son plan de relance de 222,9 milliards d'euros mardi pour remettre à flot une économie durement frappée par la pandémie, en dépit d'une crise politique qui perdure.
Un conseil des ministres qui promet d'être agité a été convoqué pour mardi soir, après l'envoi la veille d'une ultime mouture amendée du plan aux partis appartenant à la coalition de centre gauche au pouvoir.
Fragilisé, le Premier ministre Giuseppe Conte a accepté de revoir sa copie: il a plus que doublé les fonds alloués à la santé et au tourisme et relevé la part des investissements, qui atteint désormais 70%, contre 21% pour les incitations fiscales et autres bonus.
Il tenait ainsi compte des exigences de son principal rival politique, l'ex-Premier ministre Matteo Renzi, qui a menacé de faire exploser la coalition, à laquelle appartient son petit parti, Italia Viva, refusant d'être "complice du gaspillage de l'argent public".
Le conflit pourrait cependant être mis en sourdine temporairement: "je ne veux pas bloquer quoi que ce soit. L'intérêt du pays passe avant tout, mais immédiatement après, nous ferons ce que nous devons faire", a déclaré Matteo Renzi.
- 'Partie de poker' -
Toutes les options sont encore sur la table, démission des deux ministres dissidents d'Italia Viva, remaniement ou un nouveau Premier ministre, juge Roberto D'Alimonte, professeur de science politique à l'université Luiss de Rome: "c'est une partie de poker dont il est difficile de prédire l'issue".
"Il peut y avoir un accord de dernière minute, mais il se peut aussi que Renzi ait atteint le point de non retour et préfère retirer son soutien au gouvernement", commente l'ancien économiste en chef du Trésor italien et fondateur du cabinet LC Macro Advisors, Lorenzo Codogno.
Car le bouillant ex-Premier ministre ne compte pas s'arrêter là: désormais Matteo Renzi réclame que l'Italie fasse aussi appel au Mécanisme européen de stabilité (MES), dont la mission est d'aider les pays de la zone euro en difficulté.
Or, le recours au MES se heurte à la farouche opposition du Mouvement 5 Etoiles (anti-système), autre membre de la coalition gouvernementale aux côtés du Parti démocrate (centre gauche), qui y est favorable.
"C'est une erreur d'avoir dit non pour des raisons idéologiques", juge Matteo Renzi, qui se réclame régulièrement de l'ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi, "une personne extraordinaire pour ce pays".
Le nom de Mario Draghi, 73 ans, est régulièrement cité pour diriger un éventuel gouvernement d'union nationale composé de techniciens et gérer la manne européenne.
En coulisse, Matteo Salvini, le patron de la Ligue (extrême droite), principal parti d'opposition, n'exclut pas de soutenir un tel gouvernement, selon les médias italiens.
- Craintes pour le déficit -
Première bénéficiaire du méga-plan de 750 milliards d'euros adopté à l'été 2020 par les dirigeants européens, l'Italie était très attendue sur ses projets qu'elle doit soumettre à Bruxelles d'ici fin avril, à l'instar des autres pays en attente de fonds.
Rome n'a pas droit à l'erreur, avait prévenu dès août dernier le Commissaire européen à l’Économie, l'Italien Paolo Gentiloni: "l'Italie aura un rôle déterminant dans le succès ou l'échec" de cette première expérience de dette commune de l'Union européenne.
L'Italie, qui peut prétendre à 208,6 milliards d'euros de subventions et prêts, suscite des inquiétudes car le pays a été accusé dans le passé d'utiliser à mauvais escient des fonds européens.
Le plan de relance devrait encore alourdir le déficit public du pays, prévu à 10,8% du PIB en 2020, et la dette publique, qui devrait atteindre 158% du PIB.
Si la Commission européenne a suspendu l'an dernier les règles de discipline budgétaire, une mesure inédite prise en raison de la pandémie, elle a néanmoins mis en garde l'Italie, tout comme la France, contre une dérive incontrôlée des déficits.