Avant sa vidéo macabre, Larossi Abballa filmait son quotidien de "Dr. Food", livreur de burgers. Une couverture?
Derrière ce logo et ce nom d'apparence anodine se cache Larossi Abballa, le terroriste qui a tué deux policiers à Magnanville lundi 13 juin après avoir prêté allégeance au groupe État islamique.
Avant d'être abattu par les équipes du Raid au domicile de ses victimes, où il venait d'égorger Jessica Schneider et de séquestrer leur fils de trois ans et demi, Larossi Abballa racontait sur Facebook son quotidien de jeune entrepreneur, propriétaire d'un commerce de livraison nocturne de sandwichs Halal, basé à Mantes-la-Jolie dans les Yvelines et ouvert en janvier dernier.
Des images aux antipodes de sa dernière vidéo postée sur le compte Facebook qu'il utilisait sous le nom de "Mohamed Ali", tournée au domicile du drame et dans laquelle il promettait que l'Euro en France serait "un cimetière".
Faire de la pub comme "n'importe qui" pour ne pas éveiller les soupçons
"Hey op c'est parti pour une soirée de livraison lol", "#pasdesurgelés", "Dr.Food est super content ces sandwichs (sic) reçoivent des éloges!!!", "Un projet une ambition!!!", écrit le jeune homme de 25 ans, qui raconte comme n'importe quel garçon de son âge, son quotidien sur les réseaux sociaux. Le sien, en l'occurence, ce sont des livraisons entre 22h30 et 5 heures du matin. Il poste aussi, un soir de janvier, la vidéo d'un best of de "L'école des fans".
Les posts de Dr Food relayaient également les commentaires positifs de clients satisfaits, et les projets du commerce de restauration rapide.
Le 16 avril, Larossi Abballa postait par exemple une photo depuis le bureau de son banquier, en plein rendez-vous pour obtenir un lecteur de carte bancaire. Un post banal pour un jeune entrepreneur qui démarre dans la vie...
Avec le recul, on interprète évidemment différemment ses posts se plaignant des clients qui n'étaient pas assez souriants à son goût. D'autres vidéos le montrent en voiture ou en cuisine, comme le montre la vidéo en tête d'article.
Ne rien laisser transparaître dans son attitude
Larossi Abballa, qui vivait au dernier étage d'un petit immeuble résidentiel du quartier sensible du Val-Fourré, à Mantes-la-Jolie, sait donc rester discret. "C'était un livreur de sandwichs, jusque tard le soir, une personne super gentille. Jogging, à la cool. Ce qu'il a fait c'est incompréhensible", raconte un voisin à l'AFP.
Abballa, que ce voisin dit n'avoir "jamais vu à la mosquée", n'a "jamais" parlé de jihad ou de l'EI, assure, évasif, un autre habitant du quartier, un "ami proche" qui l'a vu encore en mai. "Après sa condamnation, il a travaillé, il a eu des petites copines comme tout le monde..."
Se fondre dans la foule: une stratégie préconisée par Daech
Selon de nombreux experts du jihad, la tactique de la "Taqiya", la dissimulation, est répandue chez les candidats au jihad ou radicalisés qui ont l'intention de passer à l'acte.
"Les soldats du califat sont formés à une technique qui s'appelle la Taqiya, la dissimulation. Ils se fondent dans la masse, donnent l'impression de s'être intégré, de s'être repenti. Ils peuvent faire semblant d'être homosexuels", expliquait par exemple mardi matin le spécialiste du terrorisme Mathieu Guidère sur France Inter.
Impossible de ne pas penser à Omar Mateen, l'auteur de la tuerie dans un club gay d'Orlando, qui a fait 49 morts et 53 blessés dimanche, qui avait prêté allégeance à l'État islamique avant de mourir. Selon des témoins cités par les médias américains, l'homme a fréquenté le lieu à plusieurs reprises, au moins une douzaine de fois selon l'un d'eux. Un autre habitué de la boîte de nuit assure que Mateen utilisait l'application "Jack’d", destinée aux gays.
"Ils savent qu'ils sont surveillés, qu'il y a un suivi automatique. Un combattant, en particulier s'il a des antécédents, il sait qu'il est suivi et on lui demande donc de faire le nécessaire pour rester sous les radars", continue le spécialiste. En particulier quand, comme pour Larossi Abballa, on a été emprisonné récemment pour ses liens avec une filière de recrutement djihadiste.
Larossi Abballa souhaitait-il simplement partager ses projets avec ses clients, ou avait-il en fait l'intention de simuler une vie rangée pour se faire oublier de la police, qui l'écoutait? Impossible de le savoir avec certitude mais son attitude correspond en tous points aux préconisations de Daech.
Des indices sur certains de ses comptes personnels
Avec le recul, quelques indices semblent montrer que le jeune homme n'était pas aussi repenti que cela. Sur son compte Facebook personnel (supprimé mardi), par exemple, il décryptait notamment ce qu'il considérait comme des symboles maçonniques sur l'affiche officielle de l'Euro 2016.
Selon Zaman, la page Twitter de Dr. Food, désormais inaccessible, était également abonnée à des comptes bien éloignés du monde de la restauration rapide: "profils de personnes spécialisées dans la défense stratégique armée, membres de Daech appelant au jihad, ONG islamiques, chercheurs spécialistes du Proche-Orient, et puis… la page de l’association des victimes des attentats du 13 novembre 2015", explique le site d'information.
Sa dernière vidéo, macabre, a été rapidement retirée de Facebook. Mais a ensuite été relayée par l'agence de Daech.
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