Emmanuel Macron face au spectre d’une nation qui se défait
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Faire nation, dit-il depuis le Covid. Faire nation, répétait-il après l’été, mantra absolu, "cœur" de son second quinquennat. Et au moment où le pays, sidéré par les attaques terroristes du Hamas contre Israël, est près de basculer dans l’incontrôlable, le silence. "J’ai pensé qu’il était de mon devoir de vous parler", avait indiqué Jacques Chirac à la télévision, au soir des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Emmanuel Macron a tardé à "parler", voulant laisser passer le temps de l’émotion et de la condamnation, puis le temps du soutien de la communauté internationale.
Ce jeudi, le président est apparu comme hanté par les menaces qui pèsent sur la France. Au-delà de l’empathie qu’il a su exprimer vis-à-vis d’Israël, au-delà de l’émotion née de la mort du plus grand nombre de Français dans un attentat depuis celui de Nice en 2016 (comme il l’a lui-même rappelé), il a utilisé le mot "haine" presque aussi souvent que celui d’ "unité". Il a donc multiplié les mises en garde, qui correspondent à l’étendue des menaces qui pèsent.
"Ne menons pas chez nous des aventures idéologiques par projection. N’ajoutons pas, par illusion ou par calcul, des fractures nationales aux fractures internationales" : les craintes d’Emmanuel Macron apparaissent tellement fondées à l’aune des événements de ces derniers jours. Car la société française n’est plus la même. Aussi incompréhensible que cela puisse paraitre, les attaques contre les juifs provoquent une hausse de l’antisémitisme.
Dans les dix jours qui ont suivi la folie meurtrière de Mohamed Merah en 2012, 90 actes antisémites avaient été recensés. Depuis samedi, "plus d’une centaine d’actes antisémites", allant de tags à des insultes contre la communauté juive, ont été commis en France, a indiqué Gérald Darmanin. Qui a ajouté que trois personnes faisaient l’objet d’un retrait immédiat du titre de séjour et expulsion" du territoire français.
Car le paysage politique n’est plus le même. L’initiative présidentielle de convier les chefs de parti était la bienvenue, tant le débat public est devenu fou, rendu hystérique par l’attitude de La France insoumise refusant d’appeler un chat un chat. Le moment marque un tournant, qui voit Jean-Luc Mélenchon disputer à Marine Le Pen le rôle du diable de la République – parvenant même, il faut l’avouer, à lui chiper cette place peu enviable.
Des manifestations pro-Palestine, mardi à Marseille, jeudi à Paris, se déroulent – elles sont désormais systématiquement interdites et apparaissent donc comme un défi à l’autorité de l’Etat en même temps qu’un coup de canif à la cohésion nationale. "Les premiers criminels, c’est eux, ceux qui soutiennent la politique de l’Etat d’Israël", commentait tranquillement le responsable CGT Bouches-du-Rhône lors d’une manifestation pro-Palestine à Marseille, tandis que dans la capitale, on entendait "Israël assassin".
Quelle sera la portée du rappel lancé à la télévision par Emmanuel Macron ? "Ceux qui confondent la cause palestinienne et la justification du terrorisme commettent une faute morale, politique et stratégique". Le président a évoqué "ce bouclier de l’unité qui nous protégera" et l’on était en droit de se demander alors s’il s’agissait d’une prophétie auto-réalisatrice ou d’un vœu pieu.