"Drogue du zombie" : la xylazine, cette nouvelle "menace émergente" aux Etats-Unis
C’est un bidon d’essence sur un incendie. Le 12 avril dernier, le directeur du bureau chargé de la lutte contre les drogues du gouvernement américain présentait au public le nouvel ennemi public numéro un des Etats-Unis : la xylazine, un sédatif pour animaux autorisé depuis 1972 dans le pays.
Et pour cause : entre 2018 et 2022, le nombre d’overdoses mortelles liées à ce produit a été multiplié par 13 dans le pays, selon le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) auprès de l’AFP. Environ 3 000 cas par an qui s’ajoute aux 75 000 décès annuels liés à la consommation d’opioïdes aux Etats-Unis.
Un produit peu dangereux en lui-même
Pourtant, la prise de ce produit n’est pas dangereuse en tant que telle. Concrètement, la xylazine ne provoque pas d’effets psychotropes comme une drogue. À l’inverse, ce tranquillisant pour animaux inhibe sur le système nerveux sympathique, responsable du rythme cardiaque ou de la contraction des muscles. Cela ralentit donc le rythme cardiaque et la respiration du consommateur.
Problème : aux Etats-Unis, ce produit est aujourd’hui vendu sous forme d’un cocktail de drogues appelé "tranq", rapporte le CDC. On le retrouve surtout mélangé à du fentanyl, un analgésique de synthèse dérivé de l’opium, 50 fois plus puissant que l’héroïne et en grande partie responsable de la crise des opioïdes dans le pays.
Ignorant parfois qu’ils consomment de la xylazine, les consommateurs se retrouvent ainsi dans un état amorphe pendant plusieurs heures, vagabondant dans les grandes métropoles américaines comme des morts-vivants. Un phénomène qui lui a donné son surnom de "drogue du zombie".
Des effets secondaires bien plus destructeurs
Au-delà de cet effet sédatif et psychotrope, cette combinaison est aussi destructrice pour les corps de ceux qui se l’injectent en seringue. Dans un reportage publié le 21 juin par le quotidien Libération, des consommateurs de "tranq" dévoilent des plaies béantes et nécrosées sur leurs bras et leurs jambes, parfois jusqu’à l’os. Des effets secondaires uniques à la xylazine qui, s’ils ne sont pas traités, peuvent obliger à pratiquer des greffes de peau ou des amputations, indique une infirmière du centre de soins St Ann’s Corner of Harm Reduction de New York.
De même, la xylazine ne peut pas être traitée comme les autres drogues. N’étant pas un opioïde, le sédatif ne réagit pas à l’utilisation de naloxone, un spray nasal généralement utilisé comme antidote au fentanyl. Il complique ainsi le traitement des consommateurs de "tranq" et augmente leurs risques de faire une overdose mortelle.
Une crise américaine encore loin de l’Europe
Un produit présent dans la grande majorité des Etats américains, selon la Maison-Blanche. A Philadelphie notamment, mais aussi à New York, où la xylazine était liée environ 19 % des overdoses en 2021, selon l’AFP. C’est la raison qui a poussé l’administration américaine à classer ce tranquillisant comme "menace émergente" le 12 avril dernier. Pour le président américain Joe Biden, "la drogue la plus mortelle ayant jamais menacé notre pays, le fentanyl, est désormais rendue plus mortelle encore par la xylazine".
Malgré des vidéos qui affirment le contraire sur les réseaux sociaux, ce produit "n’est pas observé" en France, affirme à L’Express l’Observatoire des drogues et des tendances addictives (OFDT), malgré un cas d’overdose liée à la xylazine au Royaume-Uni en mai 2022.
La France s’inquiète surtout de l’arrivée du fentanyl. Mardi, l’Assemblée nationale a voté une mesure pour autoriser les douanes à saisir des substances chimiques pouvant être utilisées pour fabriquer cette drogue de synthèse. Avant même la xylazine, les autorités souhaitent éviter une crise des opioïdes sur le sol français.