Martin Selmayr envoie paître la médiatrice européenne
C’est un véritable doigt d’honneur que la Commission adresse à la médiatrice, au Parlement et aux médias. En effet, saisie d’une plainte sur les conditions de la nomination de l’Allemand Martin Selmayr au poste de secrétaire général, sont proprement sidérantes de mépris et d’arrogance. Même le site Politico.eu, qui a volé au secours de Selmayr, en est resté, ce matin, comme deux ronds de flan. Dans la lignée du « droit de réponse » que m’a adressé le porte-parole de l’institution, le Grec Margaritis Schinas, la Commission persiste à affirmer que toutes les règles ont été parfaitement respectées et qu’affirmer le contraire n’est que malveillance et « fake-news ». Après la résolution du Parlement européen du 18 avril, on aurait pourtant pu s’attendre à ce que l’exécutif européen fasse profil bas et joue l’apaisement. Mais c’est mal connaître Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, et Selmayr, les deux hommes étant liés par une hubris sans limites. Les eurodéputés n’ayant pas osé provoquer la chute de la Commission, tout en jugeant la nomination de Selmayr illégale, ils se sentent désormais intouchables et le montrent sans vergogne. Des «fake news» partout !Ainsi, la Commission n’hésite pas à affirmer que sa communication a été parfaite (question 7) alors qu’elle a menti et dissimulé les faits à de nombreuses reprises. Une communication entièrement dirigée par Selmayr, faut-il le préciser ? La Commission estime avoir été victime d’une « campagne négative »de la part de certains médias (évidemment je suis visé), affirme que de « fausses informations ont été répandues »,de « fausses explications »ont été données et, pire, que des « données personnelles »ont été « utilisées illégalement » ! Un ton menaçant digne d’une démocratie illibérale. Si tout cela est vrai, on se demande pourquoi la Commission n’a pas poursuivi en justice ces journalistes qui ont osé enquêter et publier ces « fake news » ?Le Parlement européen au piloriIl n’y a pas que les médias qui sont visés par la colère de Selmayr, le secrétaire général tenant évidemment la plume de ces réponses, exactement comme il l’a fait pour les questionnaires de la Commission de contrôle budgétaire du Parlement. Les eurodéputés en prennent pour leur grade pour avoir qualifié sa nomination de « coup de force à la limite de la légalité, voire dépassant cette limite » (question 1). Jouant l’idiote, la Commission estime qu’« un coup se définit comme une prise de pouvoir soudaine, violente et illégale » « par l’armée ou d’autres élites au sein de l’appareil d’État » : « la Commission ne comprend pas comment une décision du collège des commissaires, proposée par le président et approuvée unanimement par tous les membres de la Commission peut être comparée à un coup de force ».Le fait que le collège, composé de commissaires qui font la preuve depuis quatre ans de leur faiblesse politique, ait couvert un acte illégal ne signifie absolument pas qu’il n’y ait pas eu « coup de force ». À la différence d’un coup d’État militaire, on peut piétiner l’État de droit sans avoir recours aux forces armées comme le démontrent tous les jours la Pologne ou la Hongrie... On comprend au passage pourquoi Selmayr veut laisser tomber l’article 7 contre Varsovie.On peut d’autant moins parler de « coup de force » que, selon la Commission, la nomination de Selmayr « respecte toutes les règles, dans leur lettre et dans leur esprit »… Or, c’est justement le contraire que le Parlement et les journalistes qui se sont intéressés à l’affaire ont soigneusement démontré. Qu’importe : toutes les critiques sont bâties sur « une série d’allégations infondées, de fausses informations et, en général, elles tendent à vouloir remettre en cause le pouvoir de la Commission de nommer ses hauts fonctionnaires »(question 2)… Bref, ce sont non seulement les journalistes qui sont des crétins malveillants, mais les députés européens. Avant la ruine vient l’orgueilPour l’exécutif européen, il s’agit d’une non-affaire puisque le SelmayrGate n’a pas nui à la réputation de l’Union. Pour le prouver, il brandit (question 2) le dernier Eurobaromètre qui montre que la confiance dans l’Union et plus particulièrement à l’égard de la Commission a augmenté. Qu’importe qu’il ait été réalisé avant l’affaire…Bien sûr, une nouvelle fois, les commissaires n’ont pas été consultés sur ces réponses, mais ils vont les avaliser comme ils l’ont toujours fait, terrorisés qu’ils sont par Selmayr. Le Parlement européen, lui, se retrouve Gros-Jean comme devant. Et Emily O’Reilly sait déjà que si elle rend un avis négatif sur cett nomination, cela ne servira strictement à rien, le mépris de la démocratie et des contre-pouvoirs étant la marque de fabrique d’une Commission Juncker qui se sera ouverte sur les Luxleaks et se termine par le Selmayrgate.Cela étant, comme me le confiait un eurodéputé allemand influent, il suffit d’être patient : la chute de Selmayr interviendra en même temps que Juncker partira à la retraite. Comme le dit un proverbe allemand, « Hochmut kommt vor dem Fall » : « avant la ruine, vient l’orgueil ». N.B.: montage réalisé par les Grecques (groupe anonyme de bas fonctionnaires européens)