Morgan Bourc'his, champion du Monde d'apnée en visite à Aurillac : "On est pris pour des fous, mais c'est ouvert à tous"
«Quand on a développé l’apnée dans le Cantal, personne ne connaissait. Là, ça apporte une crédibilité », sourit Arnaud Vermeil, responsable de la section apnée du club de plongée du Cantal. Ce dernier ne boudait pas son plaisir, dimanche lors d’un stage animé à la piscine d’Aurillac par Morgan Bourc’his, triple champion du monde de la discipline.
« On est pris pour des extraterrestres ou des fous »Durant deux jours, le Marseillais originaire de Touraine a distillé ses conseils à une vingtaine de participants. « Je suis inscrit dans une démarche de transmission depuis longtemps », explique l’athlète, qui se consacre désormais pleinement à l’apnée après avoir jonglé entre son sport et le professorat, lui qui avait un rêve, enfant « de vivre du sport mais sans savoir de quelle manière ».
À l’époque, je rêvais de jouer en NBA, mais j’ai vite compris que ce n’était pas possible. J’ai continué à faire du sport, je me suis orienté vers une fac dédiée avec toujours ce rêve un peu ancré
« Quand j’ai découvert l’apnée, j’ai pris plaisir à pratiquer. J’en ai fait un sujet d’étude, sur la physiologie cardiovasculaire du sportif et quand j’ai commencé à faire du haut niveau, les résultats aidants, j’ai eu l’envie de vivre de cette pratique et assouvir ce rêve d’enfant », détaille Morgan Bourc’his.
Durant 12 ans, il a partagé sa vie entre sa discipline et l’enseignement, mais pas dans n’importe quel cadre. « J’étais professeur de sport en milieu spécialisé, auprès d’enfants et adolescents qui avaient des troubles du comportement et psychiatriques ».
Approcher la limite sans la franchir au mépris du dangerUn domaine et un public venus à lui et qu’il a embrassés, sans que l’apnée ou même la natation ne soit l’alpha et l’oméga de son enseignement.
« J’ai pu faire des cycles sur un travail technique ou sur un travail de confiance en soi et de relâchement et aussi un travail lié à l’environnement : plonger pour voir ce qu’il se passe sous l’eau, découvrir la faune et la flore. J’étais avant tout un professeur de sport, mais avec une sensibilité pour l’apnée ».
Une sensibilité née d’un plaisir intense et qu’un goût déjà prononcé pour la compétition l’a amené à explorer plus encore en profondeur.
Le plaisir est propre à chacun. Personnellement, c’est une activité très sensitive, dans ce milieu qui altère un peu la gravité, dans une apesanteur relative, avec des sensations très agréables
« Et on ajoute à ça l’arrêt de la respiration, qui provoque une adaptation au niveau physiologique. Tout ceci mêlé fait que l’apnée m’a attiré parce que le plaisir est très intense ». Toujours dans une démarche de sécurité. Le but étant de connaître ses limites et de s’en approcher. Pas de les franchir au mépris du danger.
« Avec l’arrêt de la respiration, il y a une symbolique très forte, qui fascine. On est pris pour des extraterrestres ou des fous. Alors qu’en fait on fait ça avec méthodologie, pragmatisme et par étapes. Donc c’est ouvert à tout le monde. L’apnée, ce n’est pas que de la performance mais c’est apprendre à apprivoiser ce milieu liquide ».
Depuis plus de vingt ans qu’il pratique, dont en équipe de France, Morgan Bourc’his a pu parcourir le monde. Une autre manière de se connaître, d’explorer, de voir celui-ci évoluer, également. En bien ou en mal, d’ailleurs sur le plan environnemental.
Un regard au plus près des changements environnementaux« Je le vois à Marseille, où on est de plus en plus nombreux donc avec un impact énorme sur les écosystèmes. C’est le cas en mer, ou en bordure littorale. Mais en même temps, il y a des choses qui se font. Avec par exemple la création d’un parc national des Calanques depuis 2012. Sur certains territoires, on a pu voir une recrudescence ou un retour de certaines espèces, une amélioration des tailles. C’est positif, malheureusement ce n’est pas parce qu’on dit qu’on va mettre 30 % de zone protégée que tout est résolu. »
Il y a des choses possibles et aussi des résistances. On le voit avec la dernière Cop 26 avec des textes validés qui ne limiteront jamais le réchauffement climatique à 1,5 degré comme le GIEC le préconise. Le système est tellement complexe qu’on ne peut pas faire un virage à 180 degrés comme ça devrait être. J’ai plutôt une vision assez pessimiste.
Une introspection, mais pas de démarche mystiqueCe qui n’empêche pas d’avoir la passion de sa discipline, la promouvoir, l’expliquer et donner des clés pour la pratiquer. Et trouver peut-être en surface un écho. Car au-delà de la performance, qui est aussi le moteur de Morgan Bourc’his, l’apnée de haut niveau lui a offert plus que de vivre par le sport.
« Ça m’a donné une plus grande connaissance et maîtrise de soi. Un plus grand calme aussi. Ça rend plus humble également. Quand on s’immerge à plusieurs dizaines de mètres en mer, il y a un rapport à l’élément et à sa puissance. Sans y mettre une démarche mystique non plus, mais avec beaucoup de respect par rapport à là où on se trouve ».
Texte et photos : Jean-Paul Cohade